France 3 a récemment rediffusé le documentaire que Philippe Koehly avait réalisé il y a deux ans à l’occasion du cinquantenaire de la mort d’Edith Piaf : « Édith Piaf amoureuse ».
Le documentaire est construit autour de la quinzaine d’hommes qui ont partagé la vie d’Édith Giovanna Gassion, devenue « la Môme Piaf ». Il met en évidence l’interaction constante entre la vie sentimentale de Piaf et sa carrière de chanteuse.
Certains de ses hommes furent les compositeurs de ses chansons (par exemple Charles Dumont) ; d’autres les enfants en art dont elle fut le pygmalion (c’est le cas d’Yves Montand et de Georges Moustaki).
« Elle chantait merveilleusement bien quand elle était amoureuse, dit d’elle Montand dans le film de Koehly ; elle chantait aussi merveilleusement bien quand elle était en rupture. » Ce qui est extraordinaire dans la vie de Piaf, c’est en effet sa capacité à tomber amoureuse encore et encore, malgré les ruptures provoquées par elle-même, malgré le destin (la mort accidentelle de Marcel Cerdan), malgré l’abandon par des compagnons lassés du chaos de la vie commune avec cette femme cyclone.
Édith est griffée par la vie, lacérée, déchirée. Elle est recrue de coups, elle roule à terre. Son foie, ses intestins, son pancréas se détraquent. Elle chante dans un état second, abrutie de morphine. Pourtant, elle s’enivre d’amour. Elle ne renonce jamais. Elle titube mais ne cesse d’avancer, jusqu’à ce 10 octobre 1963 quand, âgée de seulement 47 ans, elle s’effondre pour toujours.
Deux ans avant sa mort, Piaf est interviewée à la télévision par Pierre Desgraupes. « Votre vie a été désordonnée. Vous ne croyez pas aux économies ? » « Ah, surtout pas ! », répond Piaf. Elle a été considérée de son vivant et après sa mort comme une icône, comme une sainte laïque. C’est justifié. Dans un tout autre contexte historique et culturel, les deux saintes Thérèse, celle d’Avila morte en 1582 et celle de Lisieux morte en 1897 avaient elles aussi choisi l’amour brûlant et la vie consumée dans un brasier.