Effacer l’historique

« Effacer l’historique », film de Gustave Kervern et Benoît Delepine constitue une critique acide et réjouissante de la société française du temps des gilets-jaunes.

 Marie (Blanche Gardin), Bertrand (Denis Podalydès) et Christine (Corine Masiero) habitent un lotissement de petites maisons populaires quelque part dans les Hauts de France.

 Marie est divorcée. Elle fête toute seule dans sa maison vidée de ses meubles – ils sont progressivement vendus pour subsister – les dix-huit ans de son fils qui vit chez son père. Pour oublier sa vie minable, elle prend une cuite dans un bar et ne se souvient pas de ce qui s’est passé ensuite. Un maître chanteur (Vincent Lacoste) se charge de le lui rappeler par une sextape. Comment l’empêcher de la placer sur les réseaux sociaux ? Comment la supprimer ? Comment effacer l’historique ?

Bertrand vit avec sa fille adolescente harcelée au lycée dans des scènes d’humiliation filmées et postées sur Facebook. Il fait l’amour à distance avec une Miranda qui dit vivre à l’Ile Maurice. Il tient une petite cordonnerie mais n’aime pas son travail. Il est accablé par les dettes cumulées pour de multiples crédits à la consommation.

 Christine est chauffeur VTC. Elle se désespère de n’avoir reçu qu’une étoile de la part des ses clients, et donc d’avoir peu de clients, et donc peu d’étoiles. Chaque jour, elle passe par le rond-point qu’elle a bloqué avec d’autres gilets-jaunes, et cela lui provoque une flambée de nostalgie.

 Les trois se mettent à la recherche du dieu de l’informatique qui résoudra leurs problèmes. Ils croient le trouver en la personne d’un hacker nommé God (Bouli Lanners), qui a aménagé un poste de commandement au sommet d’une éolienne. Hélas, « Dieu » ne peut rien contre les GAFAM. Pour récupérer ses données et effacer l’historique, il faut aller en Californie et en Irlande pénétrer dans leurs gigantesques centres de données. On imagine l’accueil qu’ils y recevront !

Le film de Kervern et Delepine ne fait pas dans la dentelle et se complait souvent dans la grossièreté. Mais l’exagération fait partie du genre comique, et l’on rit de bon cœur. Lorsque Houellebecq achète à Bertrand une vieille voiture diesel et se suicide au gaz sur un parking, c’est immensément triste, mais filmé de manière burlesque. Lorsque Poelevoorde, livreur d’Alimazone surchargé de colis, est terrorisé parce que Marie a renversé du café sur sa feuille de livraison, ce qui dénoncera à son employeur son manque de productivité, le ridicule fait rire mais dénonce la situation inique des soi-disant « auto-entrepreneurs ».

 On rit beaucoup avec « Effacer l’historique ». Tant mieux : parce que la dénonciation d’une société où les robots remplacent les humains, où il n’y a pas de travail pour tous, où des sociétés multinationales manipulent le quotidien partout dans le monde, cette dénonciation est percutante et profondément pessimiste.

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