« El Presidente », film de Santiago Mitre avec Ricardo Darín dans le rôle principal, raconte les premières semaines au pouvoir d’un président moins « normal » qu’il n’y paraît.
Lorsqu’Hernán Blanco est élu président de la République Argentine, c’est presque un inconnu qui apparaît sur la scène internationale. Alors que son homologue brésilien Oliveira Prete occupe la scène médiatique, Blanco souffre de l’image terne qu’il a voulu donner de lui pendant la campagne électorale et qui lui a valu la victoire : celle d’un homme du peuple, un homme comme les autres.
Quelques jours après son accession au pouvoir, il participe à un sommet latino-américain organisé par la présidente chilienne dans un hôtel de luxe au cœur d’une station de ski. Il s’agit de créer une « OPEP » latinoaméricaine. Blanco doit manœuvrer entre l’alliance stratégique avec le Brésil, qui se pose en rival des États-Unis, et l’alternative mexicaine, considérée comme le cheval de Troie de Washington.
Il emmène dans ses bagages sa cheffe de cabinet, qui est aussi sa maîtresse, Luisa Cordero (Erica Rivas) ; et aussi sa fille, Marina, qui a fait une tentative de suicide à la suite de la révélation d’un scandale financier auquel son mari, dont elle est séparée, est mêlé. Marina est dérangée mentalement. On fait venir un psychiatre hypnotiseur. La séance d’hypnose fait rejaillir un passé enfoui, dont Blanco affirme qu’il s’agit de pures affabulations. Mais lorsque le médecin propose une nouvelle séance d’hypnose pour aller plus profond et plus loin, « el presidente » refuse catégoriquement.
« Les routes qui mènent à l’hôtel devaient être tout en courbes et virages, à l’image des personnages, dit le réalisateur Santiago Mitre. Cette sinuosité participe à donner au film des allures de construction mentale. » Au paysage âpre et inquiétant de la Cordillère répond l’inconfort croissant qui saisit le spectateur.
Le « président comme tout le monde » – on dirait chez nous « le président normal » – est traité par sa fille d’assassin. Son passé de notable de province serait-il plus tortueux que ce qu’il affiche ?
Comme homme d’état, il affiche une fidélité sans faille avec l’allié brésilien. Mais quelques milliards de dollars sur un compte off-shore ne peuvent-ils pas le pousser vers un renversement d’alliance ?
Le film de Santiago Mitre commence dans un style proche du documentaire. On assiste à une réunion de cabinet, on entre dans la salle de conférence d’une négociation internationale. Mais peu à peu l’apparente solidité du monde politique et diplomatique laisse béante une fissure. Lorsque la journaliste Claudia Klein (Elena Ayana) demande au président argentin s’il croit au bien et au mal, celui-ci raconte qu’enfant, le diable est venu plusieurs fois le visiter en rêve. La folie de Marina s’insinue dans la tranquillité du spectateur : et si Hernán Blanco était, vraiment, un tueur ?