Grande BretagnePolitique3 juillet 20241Elections en France, élections en Grande-Bretagne

Le hasard du calendrier rapproche les élections législatives en France (30 juin 2024 et 7 juillet) et en Grande-Bretagne (4 juillet). Les pronostics semblent opposer les deux pays : victoire attendue de l’extrême droite en France (Rassemblement national), victoire de la gauche modérée (parti travailliste) Outre-Manche. Pourtant, Pierre-Yves Cossé, ancien Commissaire au Plan et ancien président de l’assureur-crédit Coface relève que les deux pays traversent une crise comparable. Nous reproduisons ici la seconde partie d’un texte dont le début analyse le déclin français depuis la première guerre mondiale.

« Les deux grands pays européens  traversent une crise, dont l’origine est comparable. Ils ont perdu leur empire colonial. L’anglais était le plus grand, mais avec le Commonwealth et la Reine les apparences ont été sauves un temps, sauvegardant en partie l’amour-propre national. Les reliquats, peuplés de Blancs (Malouines, Gibraltar), ne posent guère de problème.

« L’empire français  a été plus difficile à déconstruire du fait de colonies au peuplement partiellement blanc, d’un interventionnisme excessif postindépendance et de reliquats en crise plus ou moins ouverte (Nouvelle Calédonie, Mayotte, Polynésie).

L’Angleterre et la France après la perte de leur empire colonial

« Les deux pays ont été appauvris par les deux guerres mondiales (la seconde pour l’Angleterre) et déclassés. Leur part dans l’économie mondiale a diminué. Anglais et Français n’aiment guère le monde sino-américain qui se dessine, sauf la City, voire Paris. La tentation du repli sur soi se popularise, plus forte dans une Angleterre protégée par le Channel et marquée par les souvenirs de 40, où elle a résisté seule. La France, également atteinte, cherche à se protéger en conservant des  barrières et mise  sur une « Europe Française », à l’exception de De Gaulle. L’Europe se fait, à son initiative, mais avec les élargissements successifs elle est de moins en moins française.

David Cameron

Brexit et dissolution, un coup de poker des dirigeants

« En Angleterre comme en France, le sort des pays s’est joué sur un coup de poker de leurs dirigeants. Le Premier Ministre Cameron  organise un référendum, alors qu’il n’y était pas obligé, et le perd. Le Président  Macron dissout l’Assemblée nationale, alors qu’il n’y est pas obligé, et ouvre les portes du pouvoir  à des Brexiters camouflés.

« L’échec du Brexit, autant politique qu’économique,  empêche  de grands partis (RN) de mettre dans leur programme un FREXIT brutal. Mais si on lit avec attention les programmes on  constate que les refus d’appliquer des décisions communautaires et la mise en cause de politiques majeures (environnement) sont suffisamment nombreux pour que l’on puisse parler  de FREXIT camouflé. Personne ne peut prédire ce que serait le résultat, en 2024, d’un référendum  sur l’Europe en France. Ni, d’ailleurs, en Angleterre.

« Le précédent britannique incite à  prévoir que la crise française sera longue, que les rebondissements seront multiples et que le dénouement est incertain. La crise n’est nullement achevée chez notre voisin. Le sort du parti conservateur, responsable du Brexit, est en jeu lors des élections des prochains jours mais les institutions ne sont nullement menacées.

« L’incertitude est une caractéristique des pays déclinants.

Emmanuel Macron

 

Le déclin est-il réversible ?

 «  S’agissant des empires, la Chine est un exemple spectaculaire de réversibilité. Pour l’empire ottoman et l’empire russe, la réversibilité est moins évidente, même si l’ambition de leurs dirigeants est évidente et populaire  dans des populations qui, en majorité, n’ont pas oublié le temps de leur grandeur.

« Pour les anciens empires coloniaux, on ne peut parler de réversibilité. Ils ne récupéreront aucun territoire et devront cohabiter avec des anciennes colonies, tentées de leur faire payer un prix pour compenser la domination qu’ils ont subie.

« Quant à la France, cessons de parler de déclassement et de déclin, de regarder en arrière. Tournons-nous vers l’avenir et prenons notre place dans la marche du monde, en nous appuyant sur nos nombreux atouts, humains, culturels, économiques.

« Le préalable est un immense effort éducatif et politique pour évaluer en permanence un monde en évolution rapide, pour l’accepter tel qu’il est et pour apprécier les contraintes et les marges de manœuvre. Ce sera long, parfois douloureux, mais sans lucidité, notre avenir est bouché. Produisons plus et mieux, ce qui implique un  partage accru du pouvoir et des richesses, une lutte contre les inégalités, une force de travail plus nombreuse et mieux  formée, une recherche plus active.

« Rien de tout cela n’est impossible mais cela doit se faire en réduisant progressivement et lentement  nos déficits financiers. Pour l’instant, la faisabilité technique et politique n’est pas assurée.

« Devenons plus européens et moins nationalistes. La solitude dans un monde peuplé de géants, c’est l’échec assuré. Multiplions les politiques communes , sans exclure à terme une approche fédérale. Militons afin que l’Europe joue un rôle accru dans le monde pour la sauvegarde de la planète.

« Une France apaisée peut satisfaire ses habitants, ses voisins et même les pays lointains. »

One comment

  • Chantal

    4 juillet 2024 at 9h17

    Cette analyse me convient tout à fait. Le renouveau doit se penser différemment des anciennes méthodes et habitudes.
    France et UK, 2 systèmes en difficulté parmi tous les empires du passé.

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