Dans « Éloge de la gentillesse en entreprise » (2015), Emmanuel Jaffelin développe l’idée que le véritable manageur est, à l’opposé du prédateur, capable qu’il est de se donner sans compter pour le développement de son entreprise.
« Il y a deux manières de détruire l’être humain par le travail, écrit Jaffelin : l’arrimer à une tâche uniforme par laquelle il s’écroule comme sous l’effet d’un garrot ou le diluer dans des tâches multiformes par lesquelles il s’écoule comme par un tuyau. »
L’auteur file la métaphore de l’entreprise « liquide », dans laquelle les salariés s’écoulent dans un flux ininterrompu jusqu’à parfois se suicider ; une entreprise livrée aux mains de salariés haut de gamme qui ne se comportent plus en entrepreneurs mais, parfois, en liquidateurs.
L’origine du mot « manageur » est le mot français « manager », qui renvoie à l’équitation. Et l’on sait que le dressage des chevaux recourt à la douceur, voire au murmure. Il y a une noblesse dans l’art équestre. L’entreprise doit, dit Jaffelin, devenir une « gentilhommière », un lieu où les manageurs acquièrent de la noblesse à force de don de soi et d’attention aux autres.
« L’objet de cet ouvrage, écrit Jaffelin, est de proposer une « gentrification » de l’entreprise. J’entends par « gentrification » le pouvoir de nous anoblir par la gentillesse et d’ennoblir par celle-ci les relations humaines dans l’entreprise. »
Grâce à la pratique de la gentillesse, définie comme cette attitude qui consiste à rendre service à la personne qui nous le demande, le manageur se concentre sur deux buts « qui ne se concurrencent pas, mais qui, comme l’eau et la terre, se mélangent : créer de la richesse et être heureux en société. »
« Entreprendre, dit l’auteur, c’est prendre un risque ; manager c’est oser la douceur. » Manager, c’est refuser la politique du diviser pour régner. C’est se faire reconnaître comme un gentilhomme, un homme qui pratique la gentillesse et se fait reconnaître pour son élégance morale, son intelligence psychologique et sa compétence professionnelle. »
Dans son livre, Emmanuel Jaffelin joue avec les mots. En accouplant gentillesse et gentilhomme, il donne un titre de noblesse à une attitude qui est souvent associée à la mièvrerie. Le titre de son ouvrage en devient racoleur : on sent l’oxymore dans le binôme « entreprise gentille ». Cela dit, il rame avec le courant : la littérature de management est remplie de références à la responsabilité sociale de l’entreprise ou à la bienveillance.
Le livre intéresse par la virulence de sa critique du management à l’américaine et de l’indigestion qu’il provoque dans les organisations de culture latine. Il suggère que le management fondé exclusivement sur la valeur au jour le jour de l’entreprise en bourse induit une quantité de coûts financiers, techniques et humains immergés.
Il définit comme un principe que l’entreprise doit être à la fois productrice de valeur et de bien-être. Il place la gentillesse du côté de la production de bien-être. On aimerait savoir comment elle pourrait aussi être génératrice de richesse dans le champ de bataille de l’économie mondialisée.
Très intéressant. La gentillesse, associée à la bienveillance, ne peut que donner l’envie de progresser et de s’investir !