Cinéma12 septembre 20240Emilia Perez

« Emilia Perez », film de Jacques Audiard, a remporté le prix du jury au Festival de Cannes 2024, et ses quatre interprètes principales, le prix d’interprétation féminine.

 Rita Moro Castro (Zoe Saldaña), jeune avocate à Mexico, est lasse de défendre des riches corrompus et d’obtenir l’acquittement d’individus objectivement coupables. Lorsqu’on lui propose un mystérieux rendez-vous qui pourrait la rendre riche à son tour, elle se laisse tenter.

 L’homme qu’elle rencontre, après avoir fait l’objet d’un enlèvement dans les règles, avec entraves et capuche, est Manitas (Karla Sofia Gascón), un gros bonnet de la drogue. Il lui confie une mission invraisemblable : trouver, quelque part dans le monde, le chirurgien qui lui permettra de réaliser le rêve de toute une vie. Depuis son enfance, il se sent une âme de femme emprisonnée dans un corps d’homme et dans les codes de la virilité, violence cynique incluse.

Au terme d’un parcours de souffrance, Manitas est devenu – ou redevenue – une femme sous le nom d’Emilia Perez. La dernière mission de Rita a consisté à placer Jessi (Selena Gomez), la femme Manitas et leurs deux enfants en sécurité au bord du lac Léman.

 Plusieurs années plus tard, Rita se trouve confrontée à Emilia lors d’une réunion à Londres. « C’est toi ? » « – Bingo ! » La rencontre n’est pas fortuite. Manitas/Emma est venue demander à Rita d’organiser le retour au Mexique de Jessi et des enfants. Elle se fait passer pour une cousine de Manitas, Tante Emilia, et entend vivre sous le même toit que ses enfants et leur mère.

 Emilia joue avec le feu. Elle se place sous le feu des projecteurs, pour avoir créé une association pour la recherche des personnes disparues – dont beaucoup aux mains du cartel qu’elle dirigeait sous le nom de Manitas. Son ex-épouse, Jessi, reprend contact avec un de ses anciens associés avec qui elle avait eu une relation amoureuse. Elle tombe elle-même amoureuse d’Epifania (Adriana Paz), une femme de disparu qui fréquente son association, et cette relation perturbe l’unité de vie qu’elle a créée avec Jessi et les enfants.

« Emilia Perez » est une comédie musicale, musique et paroles étant écrites par Clément Ducol et Camille et les chorégraphies créées par Damien Jalet. Deux moments sont particulièrement intenses, et mettent en scène Zoe dans une environnement hostile. Au prétoire, elle fournit à l’avocat d’un accusé pourri de faux arguments – mais bondit et chante le dégoût et la honte que lui procurent cette situation. Beaucoup plus tard, l’association créée par Emilia organise un dîner de bienfaisance, où sont invités politiciens corrompus et hommes d’affaires véreux : elle saute sur les tables, chante son écœurement, alors que les convives sont agités de spasmes rythmés.

 Emilia Perez figure parmi les meilleurs films que j’aie vus ces dernières années. Les thèmes abordés sont brûlants : dans la sphère de l’intime, le conflit de personnalités au cœur de l’identité de personnes transgenres ; et aussi la grande criminalité, la justice corrompue, les bénévoles militant pour que les crimes ne restent pas impunis.

 Les chorégraphies sont formidables, l’intrigue tient en haleine jusqu’à la dernière minute. « Emilia Perez » apporte au spectateur tout ce qu’il peut attendre du cinéma : être transporté dans un autre monde.

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