En bataille

Arte TV a récemment diffusé « En bataille », portrait intime d’une directrice de prison par Ève Duchemin.

Marie Lafont est une amie de la réalisatrice. Plutôt que de parler de son métier de directrice adjointe d’une prison, elle lui a permis de l’accompagner au jour le jour. Lorsque le documentaire a été tourné, elle était en poste au centre pénitentiaire ultramoderne de Liancourt, en Picardie, l’une de ces prisons-usines (800 places) construites au milieu de nulle part.

Ce qui rend le film unique, c’est qu’il nous permet de pénétrer dans l’intimité de Marie. Lorsqu’à la nuit tombée, alors que tous ses collaborateurs sont partis, elle ferme les portes des bureaux et franchit une à une les portes de la prison, la caméra la suit dans le brouillard jusqu’à sa maison, puis dans sa cuisine et jusqu’à la salle de bains où, au petit matin, elle se maquille. Ce sont aussi les plans serrés sur le visage de cette belle femme qui, dans son alliage de faiblesse et de force évoque Sandrine Bonnaire.

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Des détenus ont accepté de figurer dans le film à visage découvert. L’un d’entre eux, traduit en commission disciplinaire, fait le brave et met la directrice au défi de prouver qu’il était propriétaire du téléphone portable saisi dans sa cellule. Un autre, récemment écroué, pleure de désespoir d’être soudain coupé de ses enfants, et on sent bien que la tentation du suicide n’est pas loin.

Une surveillante se plaint de l’ambiance de travail délétère qui règne dans l’équipe où elle a été affectée. La directrice n’a guère de solutions à proposer, si ce n’est se faire aider par un psychologue. Mais, dit la surveillante, ce sont tous les membres de l’équipe qui devraient consulter.

Les entretiens de la directrice avec les détenus, dont les rapports avec la loi sont souvent compliqués, sont parfois tendus. Elle représente une autorité qu’ils rejettent parfois, suspectant un complot des puissants, policiers, juges, avocats, tous confondus. Dans ce cas, presque chaque phrase, ou même membre de phrase commence par « Mais, Monsieur ». Un langage respectueux, mais qui place entre elle et le détenu une barrière infranchissable.

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Le film se termine par le pot d’adieu de Marie à son équipe à Liancourt. Elle rejoint les bureaux de l’administration pénitentiaire à Paris. Son travail de directrice siphonne si totalement son énergie qu’elle n’a plus de ressource pour mener sa seconde vie, celle des soirées et des weekends. Les adieux sont émouvants. Il n’est pas facile de quitter un poste où l’on a de vraies responsabilités et la possibilité de faire, ne serait-ce qu’un peu, du bien à des personnes, surveillants ou détenus, blackboulées par la vie.

Marie Lafont se plaint de la méconnaissance de son métier à l’extérieur et de l’image négative qui lui est attachée : « je suis en permanence la méchante », dit-elle. Le documentaire d’Ève Duchemin réhabilite ce métier qui, exercé avec humanité et intelligence, est un beau métier. Il nous livre aussi le portrait intime d’une belle femme, à tous les sens du terme.

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