Et je danse, aussi

C’est un livre étrange et captivant qu’ont écrit à deux voix, par courriel et en improvisation, Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat : « et je danse, aussi » (2015, disponible en livre de poche).

Les auteurs se sont glissés dans la peau de deux personnages. Pierre-Marie Sotto est un romancier à succès, lauréat du prix Goncourt. Il reçoit un jour une grande enveloppe qu’il prend pour un manuscrit avec, au verso, un nom, Adeline Parmelan et une adresse mail.

Pierre-Marie répond à son interlocutrice qu’il a pour principe de ne pas lire de manuscrit. Mais il ne s’agit pas de cela : le contenu de l’enveloppe concerne très personnellement le destinataire.

S’engage alors un fascinant jeu de chat et de souris entre petits mensonges et grandes vérités peu à peu révélées. C’est que Pierre-Marie est en panne d’inspiration depuis qu’il y a deux ans sa troisième femme, Véra, l’a quitté et n’a jamais reparu. La vie d’Adeline, elle aussi, est « foutraque ».

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Anne-Laure Bondoux et Jean-Claude Mourlevat dans la Grande Librairie

Le média électronique permet à chacun de se confier à l’autre, bien qu’inconnu, bien plus intimement qu’en face à face : « je me sens à mon aise avec vous qui êtes loin dans vos montagnes, et totalement dématérialisé », écrit Adeline. Il y a des journées interminables, vides de message, et des nuits pendant lesquelles les échanges crépitent. Il y a des messages lapidaires et de longues confessions. Il y a des postscriptums.

Ce livre constitue un hommage au courriel. « Lorsque j’écris un roman, écrit Pierre-Marie, je m’efforce d’y mettre de la cohérence, de la structure. Ici au contraire, je peux me promener selon mon humeur et la vôtre, je peux oublier mes poussins en route et les récupérer la fois suivante, ou pas. Je ressens une liberté grisante. Ça part dans tous les sens et cette accélération, ce désordre me plaisent. »

Le courriel offre le temps de la réflexion. Il permet certes de mentir et d’esquiver. Mais aussi d’aller au fond des choses, de manière plus déterminée qu’au téléphone : « tu me poses deux questions, dit Pierre-Marie à son ami Max. Je ne vais pas me défiler. »

Le courriel, par sa répétition, crée une familiarité : « notre complicité me manque. Nous me manquons », dit l’un des personnages au terme d’une période d’abstention.

Le courriel enchante la vie de tous les jours : « Je ne suis pas une héroïne échappée d’un roman de Zola ou de Dickens : je suis comme des millions de gens qui se débrouillent avec ce qu’ils ont. », écrit Adeline. « Et figurez-vous que je danse aussi. Je me contrefiche d’avoir l’air d’un ours ou d’un hippopotame. Vous devriez essayer. Même si on ne rattrape jamais le temps perdu, on peut décider de ne plus en perdre. »

De courriel en courriel, le lecteur découvre le lien secret entre les destins de Pierre-Marie Sotto et d’Adeline Parmelan. Ce qui avait commencé comme un jeu d’écriture entre les deux auteurs se révèle un roman bien ficelé.

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