Arte TV a récemment diffusé Fargo, film de Joel et Ethan Cohen (1996).
Jerry Lundegaard (William H. Macy) est directeur commercial de la concession d’automobiles de son beau-père Wade à Minneapolis. Il mène avec sa femme Jean et leur fils adolescent une vie apparemment sans histoire. En réalité, Jerry est un minable qui tente de se refaire par de petites arnaques et de grandes escroqueries. Il lui vient une idée géniale : faire enlever sa femme par des truands, réclamer une rançon faramineuse à son beau-père et en conserver pour lui la majeure partie de manière à remettre les compteurs à zéro.
Margie Gunderson (Frances McDormand) est policière à Brainerd, un bourg du Minnesota. Elle est enceinte de son mari Norm, un peintre manqué qui tente de vendre des illustrations pour des timbres poste. Margie et Norm vivent leur amour dans une sorte de cocon exempt de la violence du monde.
Carl (Steve Buscemi) et Gaer (Peter Stormare), les malfrats recrutés par Jerry, sont aussi stupides qu’insensibles et impitoyables. À l’occasion d’un banal contrôle routier, Gaer assassine froidement le policier puis deux témoins. Une machine infernale est enclenchée, dans laquelle sont broyés les protagonistes du drame comme les témoins involontaires.
L’enquête est confiée à Margie. Elle semble engluée dans une soupe de bonne volonté et de gentillesse. Mais professionnellement, elle est redoutable de finesse et de perspicacité. L’enquête avance rapidement et aboutit à l’arrestation de Gaer et de Jerry, seuls survivants d’une farce qui a mal tourné.
Frances McDormand a obtenu l’Oscar de la meilleure actrice pour son interprétation de Margie. C’est justice : elle est un ange dans un environnement de vice et de violence, une personne perspicace sous une apparence déphasée, une génératrice d’amour aussi bien dans son petit paradis familial qu’envers ses collègues policiers. Dans la voiture qui conduit Gaer en prison, elle avoue qu’elle ne comprend pas comment on peut en arriver au crime pour quelques liasses de billets verts.
Le scénario des frères Cohen est remarquable. Les couples formés par Jerry et Jean et par Margie et Norm ont en commun l’idéal du bonheur familial et l’échec professionnel d’un des partenaires (Jerry et Norm), mais le premier est pris dans un engrenage dramatique alors que l’amour préserve le second du froid de l’hiver dans le Minnesota comme de l’horreur du crime. Le déchaînement de violence provoqué par Jerry est mis en scène de manière si théâtrale qu’il en devient absurdement comique : « oserez-vous en rire ? » demande l’affiche du film.
Les personnages des deux truands sont particulièrement intéressants. Ils sont mal assortis : Carl est un petit bonhomme inquiet, nerveux, volubile ; Gaer est un grand gaillard mutique, uniquement soucieux de son petit confort et prêt à tuer pour le préserver. Ethan Cohen explique les avoir rendu simples d’esprit pour « aller contre le cliché hollywoodien du méchant comme super-professionnel, qui contrôle tout ce qu’il fait. En fait la plupart du temps, les criminels appartiennent à des strates de la société qui ne sont pas équipés pour affronter la vie et c’est pour cela qu’ils se font prendre si souvent. En ce sens aussi notre film est davantage du coté de la vie que des conventions du cinéma et du film de genre. »