C’est un film remarquable que Philippe Faucon vient de consacrer à Fatima, une femme algérienne qui élève ses deux filles adolescentes dans une banlieue lyonnaise.
Fatima (Soria Zeroual) a tout de la Fatma de l’imagerie populaire. Elle est séparée de son mari. Pour élever ses deux filles, Nesrine (Zita Hanrot) et Souad (Kenza Noah Aïche), âgées de dix-huit et quinze ans, elle nettoie au petit matin un restaurant d’entreprise en grande banlieue, enchaîne sur des ménages chez une famille bourgeoise de Lyon et termine en préparant les repas pour ses deux grandes filles, en lavant leur linge et en épongeant leurs humeurs.
Elles ne sont pas faciles à accompagner, Nesrine et Souad. Nesrine est une forte en thème : elle veut être médecin et a devant elle 7 ans d’études à financer à raison de 400€ par mois, déduction faite de la bourse et de ce que l’étudiante gagne l’été. Souad est une rebelle, plus à l’aise dans la rue qu’à l’école ; elle n’accepte pas le destin de sa mère, contrainte de nettoyer la saleté des autres, en proie au mépris des patrons.
Les trois femmes vivent dans l’intimité d’un minuscule appartement, mais parlent des langues différentes. L’étudiante Nesrine, à force de travail, a accès au langage de la médecine et au français soutenu. La lycéenne marginale Souad s’exprime dans la langue de la rue. Quant à Fatima, c’est en dialecte algérien, truffé de mots français enrobés dans la grammaire arabe, qu’elle s’exprime auprès de ses filles.
C’est le langage qui sauvera Fatima (le film est d’ailleurs inspiré du livre de Fatima Elayoubi « prière à la lune » qui raconte sa propre histoire). Elle se met à écrire en arabe, sur de petits cahiers, son journal qui exprime avec ses propres mots son histoire personnelle. Au bord du burn-out, Fatima consulte une femme médecin qui parle arabe. Celle-ci trouve son texte magnifique.
Face à Souad, qui n’a de cesse de ravaler sa mère au rang de bonniche bonne à rien, au risque de sombrer elle-même dans la mésestime de soi, l’écriture de ce texte en arabe donne à Fatima ses lettres de noblesse.
Pour le spectateur, ce film profondément humain donne envie d’aimer l’humanité.