Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, a annoncé le lancement d’appels d’offre pour la construction de 3 000 places de prison dans des structures modulaires, en préfabriqué, pour l’enfermement de détenus en fin de peine ou en semi-liberté.
Il s’agit de répondre à la surpopulation carcérale chronique et croissante. Selon un rapport récent de la Cour des Comptes, « l’augmentation mensuelle nette de la population incarcérée est d’environ 500 détenus selon le ministère de la justice. Pour y faire face, il faudrait disposer chaque mois d’un nouvel établissement, comparable aux maisons d’arrêt de Nanterre ou de Toulouse Seysses, dont la capacité théorique est de 600 places. » La construction de ces prisons en préfabriqué permettrait donc de tenir cinq mois de plus, sans s’attaquer aux causes de la surpopulation.
Didier Migaud, ministre de la Justice dans l’éphémère ministère Barnier, avait constaté l’échec du plan de construction de 15 000 places de prison en dix ans décidé par le président de la République Emmanuel Macron. Il prévoyait que seules 6 421 places seraient construites en 2027, soit 43% de l’objectif. Le ministre préconisait de sortir du modèle unique de prison, avec des solutions diversifiées impliquant des niveaux de sécurité différents selon le profil des détenus. Il évoquait déjà, en novembre 2024, la construction de structures modulaires de type préfabriqué. Son successeur Place Vendôme reprend cette idée et entend la réaliser au plus vite.

La diversification des modalités de l’emprisonnement est une idée pertinente. La création de centres de semi-liberté et de structures d’accompagnement à la sortie (SAS) est allée dans ce sens, mais concerne aujourd’hui une petite minorité des prévenus en attente de jugement et des condamnés à de courtes peines, qui s’entassent dans les maisons d’arrêt.
Le coût d’une place nouvelle en structure modulaire – environ 200 000€ – représenterait la moitié de celui d’une place en prison classique. Le délai entre le début de la construction et la mise en service serait de dix-huit mois contre cinq à sept ans pour un établissement construit dans le cadre du Plan 15 000.
Il faut saluer aussi la recherche d’exemples à l’étranger. Le ministre s’est ainsi rendu en Grande-Bretagne et en Allemagne, où des structures modulaires carcérales pesant 33 tonnes et développant 40 m² au sol sont mises en place. Il est dommage que le modèle des « prisons ouvertes » en Allemagne et la libération anticipée de milliers de détenus en Angleterre afin de ne pas excéder la limite de 100% d’occupation, ne l’aient pas également inspiré.

Il est permis de se poser des questions. La première concerne le financement de ce programme. Où va-t-on trouver les 600 millions d’euros nécessaires pour le réaliser ? Dans le contexte de pression sur le budget de l’État, la tentation sera grande de peser sur d’autres postes de dépense, par exemple le recrutement de magistrats ou l’accompagnement de personnes condamnées en milieu ouvert.
La seconde concerne le recrutement de personnel pour la sécurité des nouveaux établissements modulaires. Il manque dès à présent plusieurs milliers de surveillants dans les prisons classiques. « Vu l’ampleur de ces chantiers et la tension autour du budget de l’État, il est à parier que les blocs de béton vont arriver avant le personnel nécessaire », dit Wilfried Fonck, secrétaire général du premier syndicat de surveillants, l’Ufap-Unsa-Justice.
Il faut aussi constater que le projet du ministre Darmanin s’inscrit dans la fausse croyance que le bâti carcéral constitue une réponse obligée au surencombrement des prisons, alors que tout démontre que plus l’on construit de prisons, plus on incarcère. Sur le moyen et long terme, c’est à l’échelle des peines qu’il faut s’attaquer. « Le cumul du nombre d’années d’emprisonnement ferme prononcées par les juges a ainsi progressé de 10 000 (+ 10 %) entre les années 2019 et 2023 », indique la Cour des Comptes. La durée moyenne d’incarcération en France est presque quatre fois supérieure à celle enregistrée aux Pays-Bas (11,2 mois contre 4,1).
À court terme, c’est le mécanisme de régulation carcérale recommandé par la Contrôleuse Générale des Lieux de Privation de Liberté qu’il faudrait mettre en œuvre : libérer par anticipation un détenu lorsque l’arrivée d’un autre détenu entraîne le dépassement du taux d’occupation de 100%.