Fleurs sauvages au milieu du chemin

Le livre coécrit par Agnes Furey et Leonard Scovens, « Wildflowers in the Median, a Restorative Journey into Healing, Justice and Joy » n’a pas été traduit en français. C’est dommage : c’est un texte d’une grande puissance.

« Wildflowers in the Median » se réfère aux fleurs sauvages qui poussent au milieu d’un chemin. Christopher, le petit fils d’Agnes Furey, les admirait lorsqu’ils faisaient ensemble de longs trajets en voiture. Christopher est mort assassiné à l’âge de huit ans, en même temps que Pat, sa mère, fille d’Agnes, le 23 mars 1998.

Le meurtrier, Leonard Scovens, était cocaïnomane. Il était accueilli par Pat. En état de manque, il avait assassiné Pat et Christopher pour s’emparer de quelques affaires, les vendre et se procurer de la dope.

Agnes Furey

« Restorative Journey into Healing, Justice and Joy » parle du voyage vers la guérison, la justice et la joie, le chemin « restauratif » de l’identité de chacun qu’Agnes et Leonard ont accompli ensemble à travers l’échange de centaines de lettres, dont quelques-unes sont publiées dans le livre. Leonard a été condamné à la prison à perpétuité. Agnes, à ce jour, n’a pas reçu l’autorisation de le rencontrer.

Sept ans après le drame, en 2005, Agnes prit la décision d’aller au-devant de l’assassin de sa fille et de son petit-fils (to reach out to him). « Elle n’avait pas écrit pour me couvrir de honte. Elle n’avait pas non plus écrit pour me sauver. Avec le temps, j’ai appris qu’elle était allée au-devant de moi pour savoir qui j’étais de sorte qu’elle puisse trouver un peu de sens dans la tragédie qui avait dévasté nos deux vies. »

Leonard Scovens

La première lettre d’Agnes trouva Leonard dans un état de profonde détresse. Il venait d’apprendre la mort de son jeune frère Andre d’une overdose. « Pendant des semaines, j’ai couvert ma tête sous l’oreiller et j’ai pleuré sauvagement… Lorsque j’étais seul, j’étais de nouveau de grand frère d’Andre, pleurant les rêves que nous avions partagés et qui avaient été brûlés et lancés sur le sol jusqu’à devenir cendres, comme les restes de son corps. »

Agnes comme Leonard savaient combien affronter leur commun passé allaient les blesser. Ils décidèrent néanmoins de faire ensemble ce douloureux voyage. « Je veux que vous sachiez, écrit Leonard, que quoique vous me demandiez, quelque question que vous ayez besoin de poser, je suis disponible pour vous. »

La vie d’Agnes a été compliquée : ses trois enfants sont morts, de maladie et, en ce qui concerne sa fille Pat, par meurtre. Agnes est passée par l’alcool puis la désintoxication. Elle a eu longtemps la garde de Christopher. Après le meurtre, elle est tombée gravement malade et a failli mourir.

Illustration du livre

L’enfance de Leonard a été atroce. « Je sais que vous voyez de la rage en moi. Elle est encore là. Je vis avec elle. Comme beaucoup de ceux qui sont enclins à l’addiction, j’ai été battu, frappé à coups de pied, on m’a craché dessus, on m’a violé, trahi, abandonné et trahi quand j’étais enfant. Ce n’est que maintenant que je commence à surmonter le dommage que j’ai alors subi. Il y a encore des cicatrices. La rage était un produit direct d’avoir été si complètement abusé comme enfant »

Tout dans ce livre est passionnant et bouleversant : le cheminement d’Agnes ; le récit par Leonard de son enfance ; le récit de son initiation à la cocaïne par une prostituée de Baltimore, alors qu’il venait de s’échapper d’une mission où il avait été baptisé pour la sixième fois ; le récit de sa vie en prison, aux côtés de codétenus qui respectent les surveillants qui les traitent comme des animaux et harcèlent et méprisent ceux qui les considèrent comme des êtres humains.

Leonard Scovens a le talent d’un grand écrivain. Certains passages sont des diamants. Celui-ci, par exemple : « C’est la vérité de Baltimore : quelquefois on peut regarder le ciel noir parsemé de blanc par la lumière des étoiles et imaginer pour un moment que la ville n’enrage pas sous vos pieds. Mais ce sentiment de paix ne dure pas. La ville ne te laissera pas oublier qu’elle te possède. Ses avenues sont des veines, et tu es le sang de vie courant dans les rues qui sont ses artères, vous emportant à travers son corps décadent. »

Illustration du livre

Et enfin ce poème inspiré de la prison, intitulé Solitude, que je laisse en anglais :

« These bars cut the sun into black strips of shadows that claw these walls,

Flay the soul, hammer the mind to pulp.

 

All these grave hours of jagged shadows crush the heart;

And it stinks: the spine bruised by the concrete slab I shiver upon,

The kinked neck, shrunken belly, nails gnawed in the quick;

The red-rimmed eyes staring at the criss-cross patchwork of shadows battering these walls.

No one’s eyes can hide from myself here.

There is no music to soothe my savage beast.

My delusions crumble like old leaves in winter.

 

I take the pen and carve tears into white pages,

running from shadows, delving into reflection, puking my sins

into the light of day.

 

I take the pen.

 

And I scream. »

 

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