Force brute

Les cent premiers jours du second mandat présidentiel de Donald Trump ont vu l’exaltation et le déploiement de la force brute, suscitant la sidération de ceux qui croyaient que les leçons des abominations du vingtième siècle avaient été tirées.

Les multiples facettes de ce déchaînement de violence sont connues. Aux États-Unis, la chasse aux migrants ; les licenciements massifs de fonctionnaires ; l’interdiction de mener des recherches sur des thèmes tels que l’égalité des genres et le réchauffement climatique ; l’imposition de droits de douane dissuasifs. Sur le plan international, le soutien au génocide en cours à Gaza ; la suppression de l’aide humanitaire ; l’abandon de l’Ukraine.

Les cent jours de Trump donnent des ailes à l’extrême droite désinhibée partout dans le monde. Le même mécanisme est à l’œuvre qu’en Europe dans les années 1930 : on identifie un coupable de tous les maux de la société, on prétend les résoudre en l’éliminant. Ce furent les Juifs. Ce sont maintenant les étrangers et les élites.

Les étrangers sont accusés d’aggraver le chômage, de bénéficier d’allocations indues, d’amener avec eux criminalité et terrorisme. Les élites, politiciens, universitaires, journalistes, sont vus comme une caste soudée par ses intérêts et par l’idéologie « woke », allergique à la glorieuse histoire de l’occident.

Le portrait officiel de Trump 2 offre une image glaçante de l’apologie de la force brute. On le voit intimidant, menaçant, inquiétant. Pour un tel homme, les partisans d’une approche non-violente des conflits sont des rêveurs dangereux, car seule compte, à chaque instant, la domination du fort sur le faible. Le fort est celui qui détient les armes les plus puissantes. C’est aussi le multimilliardaire propriétaire d’un réseau social qui impose aux usagers du monde entier la fragmentation des opinions et la solitude numérique.

Que va-t-il se passer ? L’histoire du dernier siècle montre que la force brute, d’abord galvanisée par sa propre dynamique, finit par s’effondrer non sans avoir provoqué dévastation et souffrance. Ce fut le cas au vingtième siècle du nazisme et du stalinisme. Plus proche nous, le projet de George W. Bush de redessiner le Moyen-Orient après le 11 septembre se conclut par le retrait américain d’Afghanistan et d’Irak.

Les cent premiers jours de Trump 2 donnent déjà un aperçu du chaos. Son équipe pilote le gigantesque cargo qu’est la machine de pouvoir américaine comme on manœuvre un dériveur, un coup de barre à tribord, un coup à bâbord. La Bourse elle-même en perd son latin et s’affole. Ne nous faisons pas d’illusion. Ce déferlement chaotique de haine et de violence, cette perte de sens apportent dès maintenant destructions, famine, chômage. Sur plusieurs générations, la négation du changement climatique retardera de manière dramatique le nécessaire changement de la manière de produire et de consommer.

Comme dans des situations semblables dans le passé, l’attitude qui s’impose est la résistance. Celui qui résistait en 1942 le faisait malgré un contexte écrasant de désespoir. Le manifestant derviche dans les fumées lacrymogènes dans les rues d’Istanbul se tient debout face aux forces de répression.  Ne perdons pas courage !

Manifestant à Istanbul, photo de Mourad Sezer

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *