Éric Ciotti, l’un des candidats à la primaire du parti Les Républicains pour l’élection présidentielle, s’est déclaré favorable à la création d’un « Guantanamo à la française », afin « d’empêcher d’agir des bombes humaines ».
Le quotidien « 20 Minutes » relatait le 10 novembre 2021 que, estimant que « le combat contre l’islamisme ne peut supporter la naïveté », Éric Ciotti a plaidé pour « des lois spécialement adaptées au terrorisme, comme le Patriot Act aux États-Unis (…) Nous devons mettre en œuvre la rétention de sûreté pour les personnes condamnées pour terrorisme représentant toujours une menace très grave lorsqu’elles sortent de prison (…) Pour les cas extrêmement graves, il faut des mesures d’exception avec un centre de rétention dédié ».
Bien que non retenue par la candidate finalement désignée par les adhérents, Valérie Pécresse, la proposition d’un Guantanamo à la française a été considérée dans son parti comme une contribution positive au débat politique. On peut s’en étonner, sachant ce qu’est le Guantanamo « à l’américaine ».
La base américaine de Guantanamo, sur l’île de Cuba, a été utilisée après le 11 septembre 2001 pour enfermer des personnes réputées « combattants illégaux » capturées dans divers pays. 780 personnes y ont été incarcérées depuis 2002, et 38 y résident encore malgré la décision prise par le président Obama en 2009 de fermer le centre de détention.
Le principe de Guantanamo consiste à emprisonner des personnes non pour des actes qu’elles ont commis, mais pour leur dangerosité supposée : « les pires des pires », disait Donald Rumsfeld. C’est bien cela que vise Ciotti, puisqu’il parle d’enfermer des personnes lorsqu’elles sortent de prison, c’est-à-dire lorsqu’elles ont purgé leur peine. Il s’agit de leur dénier le droit d’être jugés après avoir présenté leur défense.
Guantanamo est à l’abri des regards, par sa position géographique enclavée dans l’île de Cuba et par la sévère restriction des visites et des contacts avec les détenus. Cette discrétion a permis l’usage massif de mauvais traitements et de tortures comme le waterboarding (simulacre de noyade). Parmi eux, citons l’alimentation forcée de détenus en grève de la faim en 2005. Des détenus ont raconté que les gardiens les intubaient, sans antalgiques, du nez à l’estomac et utilisaient les mêmes tubes d’un détenu à l’autre.
Le Guantanamo à la française échapperait, lui aussi, aux regards extérieurs. L’une des premières mesures que Ciotti, devenu président, aurait prises, serait un décret de convocation d’un référendum pour modifier la Constitution sur plusieurs sujets relevant de la souveraineté nationale, « afin de reprendre le contrôle de notre destin ». Il s’agirait, entre autres, de retirer la France de la Cour Européenne de Justice et de la Cour Européenne des droits de l’homme.
Éric Ciotti souhaite que « la droite républicaine retrouve une colonne vertébrale sans se laisser culpabiliser par le camp du bien qui décerne des brevets de respectabilité. »
Ces prises de position ne laissent pas d’étonner, de la part d’un homme politique qui prétend défendre les « valeurs de la République ». La France n’est-elle pas la patrie des droits de l’homme ? Organiser une large zone de non-droit est-il fidèle à la déclaration universelle des droits de l’homme ?
Beaucoup d’adhérents du parti « Les Républicains » se réclament aussi des racines chrétiennes de notre civilisation, et l’ont manifesté bruyamment dans la « manif pour tous ». Mais le pardon, c’est-à-dire la capacité à reconstruire une relation brisée par un crime, y compris terroriste, n’est-il pas au cœur de l’Évangile ?
Enfin, il faudrait considérer le bilan du Guantanamo américain. A-t-il permis de recueillir des renseignements vitaux auxquels les services secrets n’auraient pas eu accès ? A-t-il, même de manière marginale, réduit le risque terroriste ? Pourquoi reste-t-il si peu de détenus ?
Je suis peut-être naïf ou bisounours, peut-être même distributeur de brevets de respectabilité, mais je souhaite vraiment, comme Véronique Olmi l’a revendiqué dans le quotidien La Croix, vivre dans le camp du bien de l’humanité.
Merci pour cet article qui fait le point sur une des nombreuses dérives de la droite extrême