L’exposition « Haïti, deux siècles de création artistique » dérange nos clichés sur l’art naïf.
Le Grand Palais présente jusqu’au 15 février une exposition intitulée « Haïti, deux siècles de création artistique ». Le spectateur peut la trouver déroutante, et peut-être même frustrante. On attend en effet des œuvres naïves, fortement colorées. La plupart des œuvres exposées, toiles, sculptures, installations, ne correspondent pas à ce stéréotype.
La culture populaire d’Haïti, marquée par une croyance dans les phénomènes surnaturels, est fortement présente dans la création des artistes modernes, contemporains et actuels de l’île. Mais ils suivent les canons esthétiques de leur époque.
Deux œuvres m’ont particulièrement impressionné. L’une est un tableau de Marie-Hélène Cauvin, artiste haïtienne qui vit au Canada : « Private Beach Party » (2003). Il s’agit d’un bordel : sur la gauche de l’image, à l’extérieur de l’établissement une femme est dans les bras d’un homme de dos dont on ne voit que la silhouette. Une prostituée attend le client sur le pas de la porte. Un client copule avec une autre prostituée. Sur la droite de l’image, derrière les barreaux d’une fenêtre, un couple se fait face. Au premier plan, un être menaçant, rouge de colère ou de sang, brandit un couteau. Il y a dans cette peinture une très grande violence, mais aussi une sorte de résignation et de soumission.
L’autre est une sculpture représentant la Vierge, de Camille Jean dit Nasson (2007). La niche de la statue est un tronc d’arbre évidé. La Vierge est représentée sous la forme d’une vieille femme. Ses vêtements, son auréole, ses atours sont représentés par des roues et des engrenages.
Ces œuvres vivent de la passion d’un peuple torturé par la misère, frappé par un gigantesque tremblement de terre, mais résolu à aller de l’avant dans la vie malgré tout.