Hannah Arendt

« Hannah Arendt », film de Magarethe Van Trotta, évoque le courage d’une femme qui ne cède rien sur ses idées. Il réussit aussi le tour de force de mettre à l’écran la formation d’une pensée.

 A l’occasion du cinquantenaire du procès d’Eichmann à Jérusalem, « transhumances » avait évoqué le livre de la philosophe juive allemande Hannah Arendt, exilée aux Etats-Unis : « Eichmann à Jérusalem, ou la banalité du mal ».

 Le film de Van Trotta commence au moment où Hannah (Barbara Sukowa) se porte volontaire pour couvrir le procès Eichmann pour The New Yorker. Elle sait que la confrontation avec les années noires va être difficile. Elle assiste au procès et ce qu’elle découvre est différent de ce qu’elle attendait, et que la propagande de Ben Gourion s’obstine à présenter. Adolf Eichmann n’est pas l’ingénieur de la « solution finale », l’architecte du génocide, un démon empli de haine pour les Juifs. C’est un bureaucrate minable qui a rempli avec zèle la tâche de transporter des millions de gens, sans ce soucier que les trains qu’il affrétait les emmenaient aux chambres à gaz. Pour la philosophe, le crime d’Eichmann, inexpiable, c’est finalement d’avoir renoncé à penser.

 La cinéaste montre le douloureux enfantement de cette pensée, devant la machine à écrire, à la lecture de milliers de pages de comptes-rendus d’audience, sur un canapé tirant cigarette sur cigarette. Le chemin de la pensée passe par le corps de cette femme. Jeune, elle avait été l’amante d’Heidegger, qui professait que la pensée ne devait pas avoir de finalité pratique. Heidegger avait fait allégeance au régime nazi. Le cas Eichmann montrait maintenant que l’absence de pensée pouvait avoir des conséquences apocalyptiques.

 Une fois publiés les cinq articles dans le New Yorker, puis du livre « Eichmann à Jérusalem », Hannah Arendt subit une véritable persécution. Sa référence à la « banalité du mal » avait été comprise à tort comme une minimisation de la Shoa, alors qu’elle forgeait en réalité un nouveau concept, celui du crime systémique. Mais surtout, de nombreux milieux juifs ne pardonnèrent pas à la philosophe d’avoir mis en cause la collaboration de responsables juifs avec les autorités nazies pour la gestion des ghettos et la déportation de leurs habitants. Le film montre l’immense souffrance d’Hannah dont se détournent certains de ses meilleurs amis, et aussi sa détermination à ne rien céder sur la vérité.

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