« Hiver à Sokcho », du réalisateur franco-japonais Koya Kamura parle de la confrontation des cultures, de l’art et de la paternité.
Soo-Ha (Bella Kim), jeune femme de 23 ans, habite à Sokcho, ville portuaire non loin de la frontière avec la Corée du Nord. Elle vit avec sa mère (Park Mi-hyeon), vendeuse de poisson sur le marché, qui aimerait bien qu’elle se marie et qu’elle trouve un emploi cohérent avec ses études supérieures de lettres coréennes et françaises.
Mais Soo-Ha n’est pas pressée. Elle a trouvé un emploi de cuisinière et femme de chambre dans une pension un peu minable tenue par un veuf, M. Park (Tae-ho Ryu). Son quotidien est bouleversé lorsqu’arrive à la pension un Français, Yan Kerrand (Roschdy Zem), un dessinateur venu trouver l’inspiration dans ce bout du monde écartelé entre mer et montagne, et marqué par une guerre qui, il y a sept décennies, fit deux millions de morts.
Soo-Ha a un compte à régler avec le passé : sa mère lui a expliqué qu’elle était la fille d’un Français de passage à Sokcho, puis revenu au pays sans avoir su sa grossesse. La présence dans la pension d’un client français qui aurait pu être son père réveille en elle une douloureuse recherche de ses origines.
Soo-Ha s’installe dans la chambre mitoyenne de celle de Kerrand. Elle l’épie par un trou dans la fenêtre en papier entre les deux chambres. Inlassablement, elle le regarde composer son histoire graphique. Elle se rapproche du Français, l’accompagne dans le musée installé dans la zone démilitarisée entre les deux Corée, partage avec lui un dîner. Ils partagent un peu de leur vie, un tout petit peu car Kerrand est un taiseux et surtout, il est conscient de ce qui se passe dans la tête de la fille : un inceste symbolique avec ce père qu’elle n’a pas connu et qui l’a abandonnée.
Tout est beau dans ce film : la photographie d’Élodie Tahtane, la bande son de Delphie Mlaussena et les interludes d’animation d’Agnès Patron. Ces interludes, dit le réalisateur, « s’imposent comme des élans du subconscient de Soo-Ha, son imaginaire et ses émotions. Ils sont tantôt figuratifs, tantôt abstraits et reflètent le sentiment du spectateur qui n’est pas sûr de tout comprendre. Ils sont de l’ordre de la sensation. » L’interprétation Roschdy Zem et Bella Kim, toute en retenue et en pudeur, est remarquable.