Arte TV a récemment diffusé une série de trois reportages réalisée par James Bluemel et intitulée « il était une fois en Irak », consacrée à l’histoire de ce pays de 2003, l’invasion du pays par les troupes anglo-américaines, jusqu’à 2014, la prise de contrôle d’une partie du territoire par Daech et 2017, sa défaite.
On reste confondu par les désastres qui se sont accumulés sur le peuple irakien. D’abord la dictature de Saddam Hussein, la guerre sanglante contre l’Iran, la désastreuse invasion du Koweit, la répression impunie de la révolte chiite de Bassorah.
Puis les mensonges de Bush et Blair : le lien prétendu entre le 11 septembre et l’Irak, les prétendues armes de destruction massive. L’invasion, sans aucun plan pour gérer la suite : l’absence de protection des bâtiments publics, à l’exception du ministère du pétrole, les pillages. Des mois sans eau courante ni électricité. L’insécurité qui s’installe, les attentats qui se multiplient contre la population civile. L’exclusion des bathistes de la fonction publique et la dissolution de l’armée, avec 400 000 hommes mis au chômage.
La naïveté de Bush, sa conviction que la capture de Saddam Hussein allait mettre fin à la rébellion. Le scandale de la prison d’Abou Ghraib, les tortures, les prisonniers traités comme des bêtes.
L’installation d’un pouvoir chiite bien décidé à en découdre avec les sunnites. La révolte des sunnites, Al-Qaida en Irak, puis Daech. La prise de Mossoul. Le massacre de 1 400 jeunes recrues de l’armée sur la base Speicher . Le recul de Daech, Mossoul en ruines.
James Bluemel mêle des images d’archive avec des interviews de personnes qui ont été impliquées dans les événements. Plusieurs d’entre elles restent gravés dans ma mémoire.
Nate Sasseman, officier américain, prend la responsabilité du district de Balad. Il croit en la mission de son armée, tisse des liens avec les notables locaux, organise des élections. Son action est utilisée par la propagande de l’armée. Mais il se rend compte peu à peu du désastre que provoque l’invasion et démissionne.
Le photographe Ashley Gilbertson ne se pardonne pas d’avoir provoqué la mort d’un soldat américain chargé de sa protection alors qu’il voulait prendre la photo d’un ennemi mort dans un minaret de Falloujah.
Un professeur d’histoire, Omar Mohamed, crée un blog qui relate jour après jour l’occupation de Mossoul par Daech. Il résiste au péril de sa vie, jusqu’à être contraint à l’exil.
Une mère de famille, Oum Ousay, a perdu son mari et son fils. Elle fait front et cache chez elle 58 jeunes recrues chiites de l’armée irakienne pour les protéger de Daech.
Ce qui se dégage de ces reportages, c’est le caractère mortifère des idéologies, y compris celles qui se présentent sous le jour le plus généreux. On sait ce qu’il en est de l’avenir démocratique radieux promis par George W. Bush au peuple irakien. Lorsque des élections parlementaires sont organisées, les partis s’organisent sur des lignes confessionnelles. Les chiites, plus nombreux, l’importent. Beaucoup de sunnites se désespèrent et rejoignent les rangs d’Al Qaida.
L’enfer irakien est pavé de bonnes intentions.