France 5 a récemment diffusé un beau documentaire de Davis Guggenheim sur Malala Yousafzai, qui obtint en 2014 le Prix Nobel de la Paix pour son action en faveur de l’instruction des petites filles.
Ziauddin Yousafzai, le père de Malala, choisit ce prénom lors de sa naissance en 1997 en mémoire de Malalaï de Malwand, une poétesse afghane qui galvanisa la révolte contre les troupes britanniques en 1880 et le paya de sa vie.
Ziauddin dirigeait des écoles de filles dans la ville pakistanaise de Mingora, ville de la vallée du Swat, proche de la frontière afghane. Il s’opposa aux Talibans, qui entendaient interdire l’accès de l’école aux filles et détruisaient des écoles. Sa fille Malala participa à son combat, d’abord dès l’âge de 11 ans en tenant sous un pseudonyme un journal de bord publié par la BBC. Puis, lorsque l’armée pakistanaise eût pris le contrôle de Mingora, à visage découvert. Elle paya sa résistance d’une balle dans la tête, alors qu’elle se trouvait dans un car scolaire.
La famille Yousafzai est aujourd’hui déracinée. Après l’attentat, la petite fille fut soignée à l’hôpital de Birmingham, qui reçoit les militaires britanniques blessés au front. C’est dans cette ville qu’elle vit, entourée de son père, de sa mère et de ses frères. Elle vit à l’étranger, dans la nostalgie de son pays. Elle s’exprime dans une langue étrangère, l’anglais. Elle peine au lycée, où ses camarades de classe ont d’autres préoccupations qu’elle. Curieusement, c’est face aux caméras, à la Reine d’Angleterre, à l’assemblée de l’ONU, au président des États-Unis, à des écoliers kényans qu’elle semble chez elle.
Son pays à elle, c’est le combat qu’elle partage avec son père, et c’est la relation fusionnelle avec lui : « nous sommes une seule âme dans deux corps différents ». Lorsqu’on demande à Malala, 17 ans à l’époque, si elle pense avoir un petit copain, la question l’embarrasse.
On ressent une gêne en regardant le film de Guggenheim. L’engagement de Malala et de son père est admirable. Leur combat est crucial pour l’avenir des sociétés musulmanes. Il n’y a pas de doute qu’ils sont profondément croyants et attachés à leur pays. Mais ils portent en eux la souffrance des exilés alors que, revers de la médaille, ils sont devenus instantanément des icônes médiatiques.
Le documentaire insiste sur l’aspect héroïque de Malala, qui a accepté le martyre comme la passionaria afghane de 1880. Mais il ne gomme pas la fêlure que porte le personnage, Ourdou qui parle anglais, enfant adulte, exposée aux médias mais nostalgique de sa maison d’enfance.
Davis Guggenheim utilise à de nombreuses reprises des animations de Jason Carpenter, dans le style aquarelle. Ces belles images atténuent le climat d’extrême violence dans lequel se déroule l’histoire de Malala. Elles contribuent aussi à lui conférer l’image de sainteté à laquelle une mère Theresa accéda à un âge bien plus avancé.