Justice4 septembre 20242Inflation carcérale, durcir les peines, remplir les prisons

Les Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques, édités par le ministère de la Justice, ont récemment publié une étude de Florence de Bruyn, de la direction de l’administration pénitentiaire, intitulée « inflation carcérale, durcir les peines, remplir les prisons ».

L’autrice de cette étude part d’un constat : « au 1er janvier 2024, 75 897 personnes étaient détenues dans un établissement pénitentiaire (dont 2840 dormaient sur un matelas au sol), contre 27100 personnes 50 ans auparavant (…) En 2021, 111 personnes sur 100 000 habitants étaient en détention, contre 69 en 1968. »

Depuis des années, on observe moins de sorties de prison que d’entrées. Cela a été le cas en 2023 : « 78 151 per­sonnes sont entrées en détention et quelques 74 427 en sont sorties. Le nombre de personnes détenues a ainsi augmenté de 3 724 personnes entre le 1er janvier et le 31 décembre 2023. »

Une cellule de la prison des Baumettes

Comment s’explique cette augmentation constante ? L’augmentation de la population française y contribue faiblement. Sur le temps long, on n’observe pas non plus une augmentation du taux de délinquance. Il est même plutôt en baisse. Le nombre d’entrées en prison tournait autour de 80 000 par an entre 1975 et 1995, puis autour de 75 000 après 1995. Or, ce chiffre suit assez fidèlement celui du nombre de crimes et délits constatés par les services de police et la gendarmerie : environ 20 entrées en prison pour 1 000 crimes et délits.

« L’augmentation de la durée moyenne de détention est le principal facteur de l’augmentation au long cours du nombre de personnes détenues », lit-on dans l’étude. Ces dernières années, elle est allée de pair avec une croissance du nombre de condamnations, comme l’indique le tableau ci-dessous :

 

  2020 2021 2022 2023
Nb condamnations à la prison 103 389 125 343 123 640 128 431
Quantum moyen ferme 9,5 9,6 9,9 10,2
Total années fermes 81 544 100 399 102 227 109 391

En 2023, les prévisions du nombre de personnes incarcérées pointaient à 80 000 détenus en juillet 2025. C’est donc un constat pessimiste que dresse l’autrice de cette étude. Sur le long terme, « les grâces et les amnisties, les libérations conditionnelles, les réductions de peine, la surveillance électronique, les alternatives à l’incarcérations, les aménagements de peine et les libérations sous contraintes sont autant de mesures qui ont été mises en place plus ou moins spécifiquement dans le but de ramener la densité carcérale dans des proportions acceptables. Nous savons déjà qu’elles ont pu être efficaces, mais pas suffisantes pour éviter la situation de surpopulation carcérale subie aujourd’hui. »

Une large partie de l’opinion publique est convaincue que la délinquance ne cesse de croître et que la justice est de plus en plus laxiste. L’étude publiée par les Cahiers d’études pénitentiaires et criminologiques montre que les chiffres disent le contraire : c’est parce que les peines ont été durcies que les prisons se remplissent.

2 comments

  • Jacques

    4 septembre 2024 at 11h23

    « Expliquer les phénomènes sociaux ne fait qu’exceptionnellement partie de la vie d’un habitant du monde dont ce n’est pas le métier.
    Il est rare que celui qui se contente d’expliquer « ce qui est » soit écouté ou compris par ceux qui jugent sans expliquer, parce que ces derniers considèrent qu’un tel travail d’explication revient à justifier « ce qui est ». »
    (Bernard Billaudot, chercheur en sciences sociales et humaines –
    Société, économie et civilisation
    Vers une seconde modernité écologique et solidaire ?
    Page 26 – https://books.openedition.org/emsha/422 )

    « Penser est difficile, c’est pourquoi la plupart se font juges. »
    (Carl Gustav Jung)

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  • Bazin Didier

    4 septembre 2024 at 8h03

    Merci Xavier
    Ça fait froid dans le dos
    Et passer ce constat… Et maintenant ?
    A partager avec nos élus urgemment
    Merci
    Bien à toi
    Amitiés
    Didier

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