Dans La Lettre du CEPII (Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales) d’avril 2023, Arnaud Philippe et Jérôme Valette démontrent qu’il n’y a pas de corrélation entre immigration et délinquance.
Plus de la moitié des Français considère pourtant l’immigration comme la principale source d’insécurité. Les quartiers habités principalement d’immigrés ont, remarquent-ils, un taux de délinquance plus élevé que la moyenne. Les étrangers représentent 7,4% de la population générale, mais 23% des personnes en prison ; un député du Rassemblement National proposait d’ailleurs de résoudre le problème de la surpopulation carcérale en les expulsant, qu’ils soient condamnés ou en attente de jugement.
Les images des récentes émeutes, montrant en première ligne des jeunes hommes immigrés ou issus de l’immigration, renforce l’intuition qu’en limitant strictement l’immigration, voire en expulsant systématiquement les migrants, les villes retrouveraient la tranquillité perdue.
Or, cette intuition se heurte à la réalité des chiffres et à leur correcte interprétation. Certes, il y a davantage de délinquance dans les « quartiers » difficiles. Mais celle-ci ne peut être détachée des conditions de vie, de la pauvreté et de l’exclusion du marché du travail.
Certes, les étrangers sont proportionnellement plus nombreux en prison. Mais certains délits leur sont spécifiques (par exemple le refus d’un ordre d’expulsion) ; ils sont davantage contrôlés ; lorsqu’ils sont condamnés, ils le sont davantage à la prison ferme, et pour une durée plus longue.
Des études ont été réalisées au Royaume-Uni sur deux vagues migratoires : celle de 1997-2002 (guerres d’Irak, Afghanistan et Somalie) et de 2004-2008 (entrée de ressortissants d’Europe de l’Est). « Pour les deux vagues, les localités ayant accueilli plus d’immigrés – en raison de la présence ancienne de communautés originaires des mêmes pays – n’ont pas vu leur taux d’infractions moyen évoluer plus rapidement que dans le reste du pays. »
Des études montrent aussi que l’accès au travail favorise l’intégration des immigrés et réduit le risque de délinquance. Le cas de l’Italie est symptomatique. « Un dispositif de décembre 2017 permettait aux immigrés en situation irrégulière de faire une demande de régularisation en ligne. Les permis de travail étaient accordés dans l’ordre des demandes et jusqu’à épuisement de quotas préalablement définis. Avec ce dispositif, des immigrés s’étant connectés au site à quelques minutes, voire à quelques secondes d’intervalle, se sont trouvés dans des situations très différentes : ceux ayant demandé un visa juste avant l’épuisement des quotas ont acquis le droit de travailler et de résider légalement en Italie, tandis que ceux ayant posté leur dossier l’instant d’après sont restés sans-papiers. En comparant ces deux groupes, il apparaît que les immigrés ayant obtenu un visa ont eu une probabilité deux fois plus faible de commettre une infraction au cours de l’année suivante. »
Enfin, les auteurs soulignent combien les médias amplifient le sentiment d’insécurité que l’opinion attribue aux immigrants. À la suite des agressions sexuelles de Cologne en 2016, commises par des migrants d’origine nord-africaine, un journal allemand s’attacha à indiquer systématiquement l’origine des auteurs de ces méfaits. Bien souvent, il s’agissait d’Allemands. « Un traitement plus équilibré de l’information relative à la délinquance, selon l’origine nationale ou étrangère des suspects, permettrait de rendre les perceptions plus proches de la réalité », écrivent les auteurs de l’article.
One comment
moulin andré
17 juillet 2023 at 9h06
Cher Xavier
merci pour cet article.
Voir aussi l’article de la Vie sur les Mureaux et les bienfaits d’un suivi de proximité.
Bises à vous deux