Arte TV a récemment diffusé « J. Edgar », biopic de Clint Eastwood (2011) sur la vie d’Edgar Hoover, inamovible directeur du FBI de 1924 à 1972.
En 1919, Edgar Hoover (Leonardo DiCaprio) a vingt-quatre ans. Au sein du ministère de la justice, il impressionne par sa détermination à éradiquer la menace révolutionnaire et par sa capacité à organiser une base de dizaines de milliers de noms de militants. Il participera à l’arrestation de milliers d’entre eux, avec, à la clé, bannissement de l’icône révolutionnaire Emma Goldman et de ses camarades.
Il devient en 1924 directeur du Bureau of Investigation, BOI puis créateur du Bureau Fédéral d’Investigation, FBI, qui prit sa suite en 1935. Les mots ont de l’importance. « Investigation » implique, pour Hoover, le recours massif à des techniques scientifiques, à commencer par la centralisation des empreintes digitales et l’organisation d’un laboratoire d’analyse.
« Fédéral » implique un combat de chaque instant pour rogner des pouvoirs de police aux comtés et aux États. L’enlèvement en 1932 du fils de l’aviateur Charles Lindberg fournit un levier : le FBI, grâce à ses techniques d’investigation, identifie le coupable que la police locale avait été incapable de trouver, ou du moins un coupable.
Dans son combat contre le communisme, Hoover ne se laisse pas contraindre par la légalité. Il ne s’intéresse pas aux criminels pour les actes qu’ils ont commis, mais pour ceux qu’ils sont susceptibles de commettre. Il sait que l’opinion publique pardonnera facilement des actions illégales au service de sa sécurité.
Il entretient un fichier « personnel et confidentiel », confié à la garde de sa dévouée secrétaire Helen Gandy (Naomi Watts). Rempli d’informations sur les incartades sexuelles ou fiscales de personnalités de premier rang, y compris les présidents et leurs épouses, il lui permet de faire sur eux pression aux moments opportuns, et de se maintenir en poste sous huit présidents, de Calvin Coolidge à Richard Nixon.
L’homosexualité de ses victimes constituait un instrument de chantage efficace. Or, montre le film de Clint Eastwood, l’homosexualité est le talon d’Achille de Hoover lui-même. Il vit une relation fusionnelle avec sa mère Anne-Marie (Judi Dench) mais, malgré les injonctions de celle-ci de se comporter en homme, il fuit les femmes.
Hoover fera de l’un de ses agents, Clyde Tolson (Armie Hammer) son adjoint pendant des dizaines d’années. La scène du recrutement de Tolson est l’un des moments clés du film. Celui-ci n’a pas le profil du poste. Il se tient debout face à Hoover, dressé, impeccablement habillé. Hoover est mal à l’aise. Il avouera plus tard qu’il est tombé immédiatement amoureux.
Clint Eastwood suit la carrière parallèle de Hoover et Tolson, qui partagent repas et vacances, pendant des dizaines d’années. Les maquillages de DiCaprio et Hammer les rendent méconnaissables lorsqu’ils sont devenus un vieux couple. Hoover s’accroche au pouvoir. Il exerce un chantage sur Luther King pour qu’il renonce au prix Nobel de la Paix, mais le leader noir ne cède pas.
J. Edgar a terrorisé des puissants et des militants pendant un demi-siècle, mais il ne peut rien contre la mort qui approche. Le masque tombe. Il doit bien se reconnaître, lui l’homme froid et sans pitié, pour ce qu’il est : un amoureux transi.