Le Centre Jean Moulin de Bordeaux présente jusqu’au 2 mars 2014 une exposition à l’occasion du soixante dixième anniversaire de la mort du Résistant, le 8 juillet 1943.
L’exposition entend faire connaître l’homme sous-jacent au héros de la résistance. Jean Moulin, né à Béziers en 1899, fut un élève médiocre, probablement parce qu’il ne fixait son attention que sur des choses qui comptaient vraiment pour lui. Plusieurs vitrines montrent des devoirs composés par lui au lycée. Leur intérêt est modeste, si l’on excepte une dissertation où, en pleine première guerre mondiale, il plaide pour une éthique militaire et affirme que la victoire ne doit pas être obtenue par n’importe quel moyen.
Très vite après la première guerre mondiale, Jean Moulin mène une brillante carrière de haut fonctionnaire, dans le corps préfectoral ou dans les cabinets de Pierre Cot, homme politique venu du radical socialisme et compagnon de route des communistes. En parallèle, c’est un amateur d’art, collectionneur, dessinateur humoristique, aquarelliste. L’exposition présente des eaux-fortes insérées dans un livre du poète breton Tristan Corbière : par leur caractère tragique, elles s’insèrent dans la tradition d’un Goya ou d’un Otto Dix.
L’art fut si important pour Jean Moulin que, devenu coordinateur de la résistance en France, il choisit comme couverture d’ouvrir sous son propre nom une galerie d’art à Nice, la Galerie Romanin : le négoce de tableaux lui permettait de voyager librement en zone occupée.
L’exposition se clôt par le film du fameux discours d’André Malraux, lors de l’entrée de Jean Moulin au Panthéon le 19 décembre 1964 : « Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d’exaltation dans le soleil d’Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi ; et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé ; avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l’un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l’ombre et disparu avec elle — nos frères dans l’ordre de la Nuit… »
L’exposition est intéressante, mais laisse le visiteur sur sa faim. Quelle fut la vie privée de Jean Moulin ? On sait qu’il fut marié pendant deux ans, mais qui et comment aima-t-il ? On aurait aimé aussi en voir davantage sur sa vie d’artiste. Une exposition intitulée « Redécouvrir Jean Moulin » se tient actuellement au musée de la libération de Paris. Elle constitue probablement un bon complément de celle de Bordeaux.