Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc

C’est un film décalé et envoûtant que Bruno Dumont a réalisé pour Arte TV : « Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc » a pour sujet la vocation de Jeanne jusqu’à son départ pour les batailles.

Il s’agit d’une comédie musicale filmée en plein air, sur un texte de Charles Péguy (le mystère de la charité de Jeanne d’Arc, 1910), une musique (techno) d’Igorr et une chorégraphie de Philippe Decouflé.

Le décor, ce sont les dunes du littoral de la Manche comme dans « ma Loute », le précédent film du réalisateur. Les comédiens sont non-professionnels, y compris Lise Leplat-Prudhomme qui incarne Jeanne d’Arc enfant et Jeanne Voisin qui joue le personnage adolescent.

Bruno Dumont revendique les imperfections du jeu des acteurs ou celles qui résultent de la prise de son directe, comme une marque d’authenticité. De la même manière que Jeanne s’invente (ou se découvre) cheffe de guerre, les interprètes s’inventent chanteuse-danseuse et découvrent leurs talents.

On peut être agacé par la diction parfois trop académique des acteurs, choqué par le casting d’un oncle si jeune qu’il pourrait être l’amant de l’héroïne, irrité par la thématique religieuse et patriotique du film. Je suis pour ma part tombé sous le charme de cette œuvre inattendue, qui se fonde sur un texte plus que séculaire mais qui rend le personnage de Jeanne plus complexe, plus humain, plus proche.

 

Péguy, dans son texte, raconte l’histoire d’une petite fille endolorie jusqu’au fond de l’âme par la brutalité de la guerre, qui brûle maisons et moissons. Elle se révolte, au bord du blasphème, contre ce Dieu qui laisse se perpétrer tant d’atrocités. Est-ce pour cela, crie-t-elle au ciel, que vous avez envoyé votre fils à la croix ?

Il faut tuer la guerre, se dit Jeanne. Puis « tuer la guerre en la faisant ». Mais il faut un chef de guerre. Intervient ici l’apparition de Monsieur Saint Michel, Madame Sainte Catherine et Madame Sainte Marguerite. Ils font comprendre à Jeanne qu’elle a été choisie.

Il faut trois ans pour que la conviction s’ancre en elle, puis une première rencontre manquée avec un général, puis un travail intérieur pour se délivrer de la peur. « J’avais peur de tout, et d’abord de moi. C’est fini maintenant, d’avoir peur. »

« Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc », sortira bientôt en salle, après qu’il a été diffusé sur Arte TV. Bruno Dumont explique que le montage sera différent. La télévision, dit-il, insistait sur les visages et le texte ; au cinéma, on verra davantage l’espace et la musique occupera plus de place.

Une réflexion sur « Jeannette, l’enfance de Jeanne d’Arc »

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