Juger les mineurs en comparution immédiate ?

Le Sénat a approuvé le 26 mars dernier une proposition de loi de Gabriel Attal visant à durcir le code de la justice pénale des mineurs. En particulier, serait instaurée une procédure de comparution immédiate pour les jeunes de plus de 15 ans.

S’ils sont déjà connus de la justice et s’ils risquent une peine de prison d’au moins 3 ans ou 5 ans selon leur âge, ils pourraient être jugés, comme les adultes, dans la foulée de leur interpellation et de leur garde à vue.

En novembre 2024 a été publiée une « étude sur la comparaison immédiate, procédure pourvoyeuse d’incarcération », par des étudiantes de l’Université Paris Nanterre pour le Contrôle Général des Lieux de Privation de liberté, dans le cadre du programme d’enseignement universitaire clinique du droit (EUCLID) dispensé par l’Université Paris-Nanterre.

La procédure de comparution immédiate est de plus en plus utilisée, jusqu’à présent seulement à l’encontre d’adultes : 31 213 en 2001, 58 222 en 2021, soit 87% de plus en vingt ans. L’étude d’EUCLID constate pourtant « l’absence criante de proportionnalité entre l’objectif de bonne administration de la justice que, par sa célérité, la procédure de comparution immédiate prétend remplir et les graves violations des garanties les plus fondamentales de notre système juridique qu’elle entraîne. » Ces violations s’expriment dans un chiffre : « une comparution immédiate multiplie par 8,4 la probabilité d’un emprisonnement ferme par rapport à une audience classique de jugement ».

L’étude explique en détail la mécanique de cette procédure accélérée, qui n’a pas d’équivalent à l’étranger. Pourquoi est-elle « pourvoyeuse d’incarcération » ?

Lorsqu’il est présenté au juge, le prévenu sort de garde à vue. On lit dans le rapport : « une magistrate siégeant en comparutions immédiates nous a expliqué lors d’un entretien que l’état dans lequel est amené le prévenu à l’audience a une incidence directe sur le prononcé d’une peine d’emprisonnement. Quand la personne se présente libre, il faut « l’envoyer » en prison, alors que la personne dans le box est déjà en prison. L’état physique et psychologique dans lequel elle se trouve fait qu’elle n’est plus dans la communauté, la décision d’enfermement est moins difficile à prendre. »

Palais de Justice de Bordeaux

« En comparution immédiate, presque systématiquement, les prévenus comparaissent dans les vêtements qu’ils portaient au moment de leur interpellation. Cela indique qu’ils n’ont pu ni se changer, ni se laver, pendant les heures d’enfermement qui ont précédé l’audience, et en particulier pendant la garde à vue, qui est une privation de liberté. »
« Lors de l’arrivée devant le tribunal, les prévenus ne sont pas dans des conditions propices à assurer leur défense, marqués par l’enfermement qui a précédé. Dès l’ouverture des comparutions immédiates, l’abîme entre la juridiction assise confortablement, surplombant la salle et le prévenu courbé sur son banc, sale, souvent dans un état de confusion, se fait sentir. »

C’est donc dans un état de grande vulnérabilité que le prévenu est présenté au juge. L’audience dure généralement une trentaine de minutes, ce qui ne donne pas le temps d’étudier sérieusement le dossier. Bien souvent, les antécédents judiciaires jouent un rôle prédictif : il a fauté, il recommencera. Fréquemment, le délai a été trop bref entre l’interpellation et le jugement pour rassembler des informations permettant le prononcé d’une peine alternative à la prison.

« La justice en comparution immédiate va vite, détruit vite, conclut l’étude […] Il faut insister : en trente minutes, un prévenu peut être condamné à 20 ans d’emprisonnement ! »

Lorsque l’étude a été publiée, la comparution immédiate ne concernait que des adultes. Est-il légitime de l’étendre à des jeunes qui, même lorsqu’ils sont déjà ancrés dans la délinquance, ne sont malgré tout encore que des gamins ?

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