Le décès du poète et chanteur wallon Julos Beaucarne, le 18 septembre, me touche profondément.
Une amie belge m’a fait connaître Julos Beaucarne. Il venait de faire paraître son album « Chandeleur 1975 », écrit à la suite du meurtre de sa femme Loulou, mère de ses deux enfants, assassinée le 2 février par un homme à qui le couple avait offert l’hospitalité. « C’est la société qui est malade, écrivait-il. Il nous faut la remettre d’aplomb et d’équerre, par l’amour, et l’amitié, et la persuasion (…) « Aimez-vous à tort et à travers ».
Il compose « Chanson pour Loulou », qui parle de la mort d’une manière qui lui sied si bien, aujourd’hui qu’il n’est plus :
La mort fait voyager son monde
Tu vas plus vite que le son
T’es partout sur la terre ronde
T’es devenue une chanson
Julos était profondément enraciné dans son terroir wallon. Mais son esprit était universel : « dès le moment où nous sortons du ventre de notre mère, nous devenons toutes et tous des émigrés. » Et encore : « ton christ est juif, ta pizza est italienne, ton café est brésilien, ta voiture est japonaise, ton écriture est latine, tes vacances sont turques, tes chiffres sont arabes et… tu reproches à ton voisin d’être étranger ! »
Le rêve de Julos, qui résonne avec mon expérience de visiteur de prison : passer mon temps à vous écouter vous raconter :
« Je rêve d’un concert que je donnerais où je pourrais
me taire pendant deux heures
Et que personne ne s’ennuie
Je rêve de me taire et de passer mon temps à vous écouter vous raconter
Je rêve de n’avoir plus rien à dire
Je rêve de passer mon temps à me taire
Je rêve d’avoir le temps d’embrasser tendrement
chacune des jeunes filles et des femmes qui m’écoutent ce soir
Je rêve de passer ma vie à aller rendre visite
à tout un chacun chez lui, à l’écouter
Je rêve de m’asseoir dans les fauteuils de tout le monde »
La chanson de Julos que je préfère, interprétée par Barbara d’Alcantara de sa voix cristalline, est « comment puis-je te dire mon amour »
Comment puis-je te dire mon amour
Personne n’est à moi que je sache
Je m’appartiens à certains jours
Quand nul, ni rien ne m’attache
Je voudrais te laisser couler
Sans jamais faire de barrage
Sans t’empêcher de traverser
Tout le beau pays de ton âge (…)
Comment puis-je te dire mon amour
Sans jeter cette passerelle
Entre toi et moi tous les jours
Qu’il pleuve qu’il vente ou bien qu’il grêle
Je voudrais juste être à l’écoute
Des paroles que tu ne dis pas
Pour garder fort coûte que coûte
Tout en fleur le désir de toi
La fidélité dans les tempêtes es aussi présente dans le texte de cette chanson lu par Clémence Poésy dans l’émission « Boomerang » d’Augustin Trapenard le 18 février dernier :
Demain éclateront peut-être les nuages
Et le vent emportera vos amours,
Tenez-les serrés,
Ne vous endormez pas
Sur un reproche non formulé,
Endormez-vous réconciliés,
Vivez le peu que vous vivez dans la clarté.
Enfin, cet hymne à l’amitié :
Les vrais amis sont comme les arbres
Ils ont hâte de te voir
Mais restent imperturbables
Si tu ne passes pas dire bonsoir
Les vrais amis sont comme les arbres
L’univers est dans leur peau
Qu’il fasse pluie, glace ou bourrasque
Ils parfument et tiennent chaud.
Même après une longue absence
Tu peux renouer avec eux