La barbe est à la mode, et semble tracer une frontière entre les jeunes et ceux qui le sont moins.
À un arrêt d’autobus, je suis interpellé par une jeune femme. Elle se présente comme étudiante dans une école de commerce, et me prie de répondre à quelques questions. Le sujet semble banal : la barbe.
Mon enquêtrice me demande si je me suis un jour laissé pousser la barbe, et si j’envisagerais de me la laisser pousser un jour. Elle m’interroge sur la fréquence de mon rasage et les produits que j’utilise. Penaud, je lui réponds que je me rase chaque matin avec des rasoirs Bic jetables, du gel à raser Carrefour et de l’après-rasage Mennen. Cette conversation dans la rue sur un sujet intime me ferait presque hérisser le poil ! Au fil des questions, je découvre le commanditaire de l’enquête : une chaîne de parfumeries qui envisage d’installer dans ses magasins un salon de barbier.
Le soir, nous dînons dans une pizzeria avec un couple d’amis qui, comme nous, ont dépassé la soixantaine. Nous sommes dans la salle une vingtaine de clients. Je découvre que les hommes sont de vingt à quarante ans plus jeunes que nous. Je me rends compte aussi que tous, sans exception, portent une barbe de quelques jours. Mon image dans un miroir est celle d’un homme glabre, et glabre est aussi l’ami dont je partage le repas. Mon malaise est accentué par le passage des badauds, dans cette rue piétonne très fréquentée à cette heure de la nuit. Tous les hommes sont barbus, bien qu’il n’y ait parmi eux, en ce lieu de perdition, aucun salafiste.
La barbe, non celle qu’on laisse pousser sans souci, mais celle que l’on entretient chaque jour comme un jardin, semble donc séparer jeunes et vieux. On peut se demander ce qui lui vaut d’être si à la mode. « Transhumances » a évoqué deux films récents qui traitent de l’identité sexuelle : « Danish Girl » raconte l’histoire d’un transsexuel, « Carol » celle de l’amour entre deux femmes. Ces deux histoires se déroulent à des époques où transsexualité et homosexualité étaient proscrites et lourdement réprimées. Aujourd’hui, le choix de la manière de vivre sa propre sexualité est plus libre. Le besoin pour les hommes d’affirmer leur identité masculine est peut-être plus pressant. Et pour cela, il existe un moyen : la barbe !
Salut Xavier.
Sympa ton article.Je me suis permis de le partager sur mon facebook