La familia grande

« La familia grande”, livre de Camille Kouchner, est un succès de librairie. Il a mis au premier plan de l’actualité la question de l’inceste.

 L’inceste commis par le beau-père de Camille Kouchner sur son jumeau Victor, alors que les enfants avaient 14 ans, est au cœur de ce livre. Mais aussi centrale est la description d’un milieu qui se décrivait comme une grande famille, « familia grande » dans la langue de Castro et d’Allende.

 La familia grande est de gauche. Marie-France Pisier, sœur d’Évelyne Pisier, la mère de Camille, conseille à sa nièce de mélanger « les fringues du marché avec un pantalon chic » et « des diams moins que du toc. »  Peuple, mais distingué. À gauche, mais jusqu’à un certain point seulement. Bernard, père de Camille, sera ministre de Sarkozy.

Sanary sur mer

Les membres de la « familia » vivent au quartier latin, fréquentent les meilleures écoles, sont ministres ou les côtoient. Camille dit de sa mère, Évelyne, qu’elle ne mise que sur l’intelligence. L’été, on se retrouve dans une propriété à Sanary sur mer. Le mot d’ordre : « la liberté, les femmes, le couple, l’infidélité joyeuse, la modernité intelligente ».

 La liberté est la valeur centrale. Il faut se baigner nu dans la piscine de Sanary sans le corset de la pudeur. Allaiter un bébé est à proscrire, car cela crée une servitude. Il convient de faire l’amour dès douze ans pour se libérer du tabou de la virginité. Cette liberté se construit sur la base d’interdits d’autant plus contraignants qu’ils sont imposés quotidiennement par la « familia ».

 Venons-en à l’inceste commis sur Victor, jumeau de Camille, quand il avait 14 ans par leur beau-père. Le silence s’enracine. Il ne faut pas inquiéter Évelyne, déjà traumatisée et rendue dépressive par les suicides de son père et de sa mère. Il ne faut pas indisposer non plus le beau-père, si gentil, si attentionné : « vous êtes ma vie, ma nouvelle vie, celle que j’attendais, celle que je voulais. Vous êtes mes enfants, et mieux encore ».

 La situation change lorsque les enfants d’Évelyne, à leur tour, deviennent parents. Ils sont angoissés à l’idée de ce que le prédateur pourrait faire à leurs enfants. Ils ne viennent plus à Sanary. Evelyne, et derrière elle, la familia grande, prennent le parti du beau-père : « Qui sommes-nous pour juger ? Salauds d’enfants ! Ils s’acharnent sur leur mère. Ils lui retirent ses petits-enfants. Ils sont d’une telle cruauté… »

 Pendant 30 ans, le serpent de la culpabilité ronge Camille de l’intérieur au point de devenir serpent à sept têtes, une hydre. Il faut attendre la mort d’Évelyne pour que Victor consente à ce que le crime soit révélé, et qu’un cabinet d’avocat donne sa qualification juridique : l’inceste est passible de 20 ans de prison. L’écriture du livre « la familia grande » devenait possible.

Camille Kouchner

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