Canal+ a récemment diffusé « La fiancée du poète », film réalisé par Yolande Moreau en 2023, dont elle interprète le rôle principal.
Septuagénaire, Mireille (Yolande Moreau) hérite de la maison de son enfance, au bord de la Meuse, près de Monthermé dans les Ardennes. Le site, une rivière qui s’écoule paisiblement dans une vallée boisée, est empreint de nostalgie et propice à la rêverie.
La rêverie, c’est justement ce dont Mireille a besoin. Elle a perdu son amour de jeunesse, un poète catalan. Elle a fait de la prison. Elle aurait aimé avoir des enfants. Elle travaille comme serveuse à la Cafétéria des Beaux-Arts de Charleville mais son salaire, même augmenté des produits qu’elle soustrait à son employeur, ne suffirait pas à entretenir la grande maison où elle a emménagé.
Le père Benoît (William Sheller), le curé du village, lui donne l’idée de louer des chambres. C’est un personnage étonnant. Il se promène le long de la rivière avec ses deux chiens. Seul à l’église, il joue à l’orgue des airs d’Abba. Il a un amant secret.
Comme locataire, le père Benoît recommande à Mireille un jardinier de Charleville (« tous les ronds-points de Charleville, c’est moi ! »), Bernard (Grégory Gadebois), qui se bat pour la garde de ses enfants mais se vit comme une femme.
Il lui recommande aussi un jeune étudiant en arts plastiques, Cyril (Thomas Guy), expert en la reproduction d’œuvres existantes.
Un troisième larron a squatté une cabane, et est heureux de l’opportunité d’une chambre chez Mireille. Il se présente comme Elvis (joué par Esteban), Américain musicien de musique country. En réalité, il est Turc, sans papier, réfugié politique. Mireille lui propose, pour arranger sa situation administrative, de l’épouser. Les noces offrent une belle occasion de faire la fête, mais c’est d’un mariage blanc qu’il s’agit.
On l’a compris, les membres de la petite communauté qui se forme autour de Mireille ont en commun de se fabriquer des mensonges pour embellir leur vie : un faux Américain, un faux mariage, un peintre faussaire, un père de famille se vivant en femme. La situation se complique par l’arrivée dans la maison du poète catalan amoureux de Mireille, venu reprendre le fil d’une histoire d’amour interrompue des décennies plus tôt. Il s’appelle Fernando (Sergi Lopez), exerce le métier de plombier et ne s’était présenté comme poète que pour séduire la belle.
« Nous faisons tous des mensonges, dit Yolande Moreau (… ) Est-ce un film sur les faussaires, avec faux mariage, fausses identités, faux tableaux ? Ou un vrai film d’amour et d’amitié ? Un film sur le collectif, qui nous parle de la peur. La peur de la vie, la peur de l’autre… »
Le spectateur se laisse imprégner par la douceur de ce film où les personnages, tous plus marginaux les uns que les autres, deviennent attachants à force d’ingénuité et d’envie de vivre.