Le poème « la panthère » de Rainer Maria Rilke peut aussi décrire la condition des humains en captivité.
Le 6 novembre 1902, Rainer Maria Rilke écrivit un poème saisissant sur la panthère du Jardin des Plantes de Paris. Je le reproduis ci-après dans la traduction de Lorand Gaspar et dans sa version originale.
« La panthère » décrit un animal sauvage réduit en captivité et offert au regard des visiteurs du zoo : « son regard, à force d’user les barreaux, s’est tant épuisé qu’il ne retient plus rien ». La condition des jeunes hommes et femmes détenus ressemble à celle de la panthère : ils tournent en rond, leur énergie vitale usée par l’inactivité. Il existe toutefois une différence : ils ne subissent pas le regard des autres, ils sont, comme le disait le titre des journées nationales prison de 2017, les oubliés de la société.
Son regard, à force d’user les barreaux
s’est tant épuisé qu’il ne retient plus rien.
Il lui semble que le monde est fait
de milliers de barreaux et au-delà rien.
La démarche feutrée aux pas souples et forts,
elle tourne en rond dans un cercle étroit,
c’est comme une danse de forces autour d’un centre
où se tient engourdie une volonté puissante.
Parfois se lève le rideau des pupilles
sans bruit. Une image y pénètre,
parcourt le silence tendu des membres
et arrivant au coeur, s’évanouit.
Et dans la version originale :
Sein Blick est vom Vorübergehn der Stäbe
so müd geworden, daß er nichts mehr hält.
Ihm ist, als ob es tausend Stäbe gäbe
und hinter tausend Stäben keine Welt.
Der weiche Gang geschmeidig starker Schritte,
der sich im allerkleinsten Kreise dreht,
ist wie ein Tanz von Kraft um eine Mitte,
in der betäubt ein großer Wille steht.
Nur manchmal schiebt der Vorhang der Pupille
sich lautlos auf – . Dann geht ein Bild hinein,
geht durch der Glieder angespannte Stille –
und hört im Herzen auf zu sein.