La Pénitentiaire face à ses murs

Le projet de budget 2023 de l’administration pénitentiaire confirme la priorité donnée à la prison comme moyen privilégié de traiter la délinquance et la criminalité.

L’administration pénitentiaire a en charge beaucoup plus de personnes en milieu ouvert (190 000) qu’en détention (70 000). On pourrait s’attendre à ce que plus de moyens soient affectés au milieu ouvert. Pourtant, c’est la prison, et plus spécifiquement la construction de 15 000 places de prison sur 10 ans, qui se taille la part du lion dans budget 2023.

Le montant du budget pénitentiaire est de 4,9 milliards d’euros, soit 700 euros par habitant. Les objectifs affichés sont 1- de renforcer la sécurité des personnels et des établissements ; 2- de favoriser la réinsertion des personnes placées sous main de justice ; 3- de lutter contre la  surpopulation carcérale. Ils sont principalement tournés vers le monde carcéral.

Le chantier de la nouvelle prison de Bordeaux-Gradignan en juillet 2022

Le poids des nouvelles constructions

Pour comprendre l’incidence de la construction de nouveaux établissements, il convient d’additionner l’investissement immobilier de l’année, les loyers à payer pour les constructions en partenariat public-privé réalisées les années précédentes et les frais de personnels supplémentaires engendrés par la mise en service de nouvelles structures.

L’investissement immobilier pour 2023 est principalement dédié à la réalisation du « plan 15 000 » : 417 millions d’euros de crédits de paiement y sont consacrés. Ce montant sera probablement insuffisant puisque, comme le souligne le document budgétaire, « la mise en œuvre du programme est confrontée à une augmentation forte des coûts des matériaux, constatées depuis la crise sanitaire et accentuées par le conflit russo-ukrainien. » À ce montant s’ajoutent 142 millions d’euros pour la maintenance des prisons existantes.

Il faut aussi payer les loyers pour des programmes réalisés ces dernières années dans le cadre de partenariats public-privé. Ils concernent 12 établissements, dont les loyers annuels vont de 2,3 à 4,8 millions d’euros, et la prison de la Santé à Paris, pour un loyer de 19,5 millions d’euros. Au total, près de 68 millions d’euros à payer au titre de 2023.

Enfin, il faut prendre en compte le coût de l’embauche de 489 personnes pour doter les nouveaux établissements. En année pleine, ceci devrait représenter un coût salarial environ 40 millions d’euros. Il conviendrait d’y ajouter les frais annuels de fonctionnement de ces structures.

Le ministre de la Justice face au Parlement

Des structures diversifiées, mais à la marge

L’incidence sur le budget 2023 de la construction de nouveaux établissements est donc supérieur à un demi-milliard d’euros. Une évolution positive est la prise en compte, certes à la marge, d’une pluralité de modalités de détention. Dans les maisons d’arrêt et les centres de détention, il organise des « modules respect ». Il inclut des Structures d’Accompagnement vers la Sortie (SAS). Il prévoit la création de trois établissements expérimentaux dits InSERRE (innover par des structures expérimentales de responsabilisation et de réinsertion par l’emploi), de petite taille et insérés dans le tissu économique de leur région, dans lesquels 100% des personnes détenues auront un accès à un travail et à une formation. Mais ces innovations demeurent accessoires. L’essentiel des constructions concerne de gros établissements isolés loin des villes.

Dans le budget est prévue la création de 15 postes pour « la poursuite du comblement des organigrammes de référence des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ». Les 794 autres emplois créés iront principalement à la prison.

La Pénitentiaire fait face à ses murs. Ceux qu’elle a construits depuis des décennies pour complaire une opinion publique qui ne connaît de vraie peine que l’emprisonnement. Un sondage publié en juillet 2022 par la chaîne de télévision CNEWS faisait apparaître que 86% des Français étaient favorables à la construction de nouvelles prisons : 40% « tout à fait pour » et 46% « plutôt pour ». Seuls 11% des 50-64 ans d’opposaient à l’idée, et 22% des jeunes de 18-24 ans.

La Pénitentiaire fait aussi face aux murs qu’elle a prévu de construire dans les années qui viennent contre vents et marées, dont le coût s’ajoute à l’endettement de l’État. Le ministère de la Justice reconnaît pourtant l’inefficacité de cette politique du tout-carcéral. Il prévoit en effet que la densité carcérale moyenne en maison d’arrêt passe de 122% en 2022 à 134,6% en 2025. Une politique de décroissance carcérale, qui a prouvé son efficacité dans d’autres pays européens, finira un jour par s’imposer. Le plus tôt sera le mieux.

Une réflexion sur « La Pénitentiaire face à ses murs »

  1. Bonjour,
    De façon traditionnelle ,les associations du champ pénal sont vent debout contre les nouvelles prisons et dans le même temps protestent à juste titre contre les prisons insalubres….
    Dans l Est 2 prisons totalement hors d âge ont fermées et ont été remplacées par un centre de détention tout neuf
    Je suis favorable aux nouvelles constructions sur la base d ‘un principe une place vétuste détruite ,une nouvelle place construite
    Sur le projet des 15 000 places il y a un flou, s agit il de 15 000 places EN PLUS ou de 15 000 places dont la fermeture de prisons particulièrement vétustes
    Les personnes détenues ont droit à des conditions de détention décentes, douche dans chaque cellule, espaces collectifs en bon état etc..
    Tout ceci demande donc d ‘être nuancé, oui à la construction de nouvelles prisons si elle viennent en remplacement d ‘établissements indécents.
    Ceci est mon opinion qui n engage en rien l ‘ANVP
    Cordialement
    Yves
    visiteur de prison

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