Le Barreau des avocats de Bordeaux a organisé, dans le cadre des Journées Nationales Prison un intéressant colloque intitulé « la prison craque ». Au cœur des débats : un projet de réinsertion pour chaque détenu.
C’est une face nouvelle du métier d’avocat pénaliste qui est apparu en France depuis vingt-cinq ans : l’accompagnement des détenus après leur condamnation. Le travail de l’avocat ne s’arrête plus à la cour d’assises. Il est aux côtés de son client pour l’aider à formuler un projet de réinsertion et à plaider sa cause auprès du juge d’application des peines ; si les conditions de détention portent atteinte aux droits de son client, il peut demander réparation devant le tribunal administratif au ministère de la justice ou à celui de la santé.
L’aménagement des courtes peines fait désormais partie du quotidien des avocats pénalistes. Leur travail est difficile, faute de moyens suffisants. En France, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation sont débordés : ils suivent en moyenne 135 personnes sous main de justice (contre 35 en suède) et l’objectif de descendre à 80 par conseiller est lointain ; il est difficile pour les personnes emprisonnées d’obtenir des promesses d’embauche ; les associations qui, comme le Chalet Bleu à Bordeaux, offrent des hébergements, sont peu nombreuses et souffrent de l’assèchement des subventions publiques.
Les longues peines aux oubliettes
En revanche, l’aménagement des longues peines est devenu problématique depuis les lois de 2005, 2008 et 2011. Les demandes sont examinées par un Centre National d’Évaluation (CNE) puis par une Commission Pluridisciplinaire des Mesures de Sûreté (CPMS). La durée de ce marathon administratif dépasse souvent un an. Il est difficile de motiver les détenus pour un parcours de réinsertion, dès lors que les peines prononcées sont de plus en plus longues et que la probabilité d’obtenir un aménagement est de plus en plus réduite.
Dans un très intéressant article publié dans l’Humanité l’an dernier, Mehdi Fikri dénonçait l’oubli des longues peines dans la réforme pénale. Il citait Barbara Lias, de l’Observatoire International des Prisons, qui parlait de « peines d’élimination » et plaidait pour une révision à la baisse de l’échelle des peines : « les études ont prouvé que la prison n’a pas de fonction dissuasive. D’autre part, il est prouvé qu’au-delà de dix ou quinze ans, les détenus cessent de travailler sur eux-mêmes. Ils perdent leur faculté de réadaptation et se retrouvent incapables de se réadapter à la vie civile. »
Donner confiance
L’objectif de la prison devrait être de rendre meilleurs ceux qui ont commis des délits ou des crimes, de leur donner confiance dans leur capacité de s’en sortir et de les accompagner dans la définition et la mise en œuvre d’un projet de retour dans la société. La loi pénale de 2014 s’est concentrée sur les peines inférieures à cinq ans. Très bien ! Il importe maintenant de s’intéresser aux longues peines.
En Grande Bretagne, le gouvernement conservateur ferme des prisons et met l’accent sur la définition de parcours de réintégration dans la société de personnes. Les avocats bordelais organisateurs du colloque « la prison craque » approuveraient certainement les propos du Justice Secretary Michael Grove : « nos rues ne seront pas plus tranquilles, nos enfants ne seront pas plus correctement protégés, notre futur ne sera pas plus sûr tant que nous ne changerons pas la manière dont nous traitons les délinquants, de sorte que les délinquants changent leur vie pour le meilleur. Il y a un trésor, si seulement on peut le trouver, dans le cœur de chaque homme, disait Churchill. C’est l’esprit dans lequel nous entendons travailler ».