La fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France – F2RSM Psy – a publié une étude sociologique sur la santé mentale à l’entrée en maison d’arrêt. Une synthèse de son rapport est disponible ici.
Les chercheurs se sont intéressés à trois maisons d’arrêt des Hauts de France, diverses par leur ancienneté et leur localisation urbaine ou périurbaine. Ils ont mené des entretiens avec des personnes détenues, à leur arrivée en prison et trois mois après. Leur objet d’étude ne se limitait pas aux troubles psychiques ou la maladie, mais incluait tout ce qui, en prison, produit la souffrance ou l’atténue.
Les chercheurs parlent de la prison comme d’un producteur institutionnel de souffrance. Ils se réfèrent au sociologue américain Gresham Sykes qui, dans les années, 1950, « relevait que la prison repose sur cinq privations majeures : la perte de liberté ; la perte de biens et de services ; la privation d’une vie sexuelle épanouissante ; la perte d’autonomie et la perte de sécurité. Par nature, l’ensemble des privations intrinsèques à la prison entravent la capacité des personnes détenues à se sentir bien, à avoir une vie épanouie et à se projeter dans l’avenir. »
Le séjour au quartier arrivants est présenté comme un moment de grande souffrance. « En mobilisant le concept de « rites de mortification » développé par Erving Goffman, cette étude s’attache à éclairer ce qui, au sein de ce quartier, produit de la souffrance : outre la brutale privation de liberté et le sentiment d’indignité consécutif à l’incarcération, les détenus évoquent avec une grande régularité le manque de sommeil, la faim qui les tiraille ou encore l’absence de tabac, autant d’éléments qui renforcent l’anxiété, le stress, la peur, les ruminations et la fatigue. De ce constat découle un paradoxe : initialement créé pour atténuer le choc suscité par l’entrée en prison, le quartier arrivants contribue à produire la souffrance contre laquelle il s’attache à lutter. »
Un autre enseignement de l’étude est la relation ambigüe des nouveaux détenus avec le service médical psychologique et psychiatrique. D’’une part, ils expriment le regret de ne pouvoir y recourir lorsqu’ils en ont besoin, du fait de la rareté des professionnels et des longs délais pour obtenir un rrendez-vous. Mais d’autre part, « La crainte d’être « cachetonné », notamment, est mentionnée avec une grande régularité. Ce résultat est à mettre au regard du fait que nombre d’enquêtés qui consomment du cannabis entre les murs justifient cette pratique en se référant à un lexique thérapeutique : cette substance est utilisée pour apaiser les angoisses, trouver le sommeil ou tuer le temps. Utilisé comme une médication alternative, le cannabis est généralement préféré aux médicaments psychotropes, car ses effets sont jugés mieux maîtrisés. »
Enfin, signalons que « les prisons les plus anciennes, pourtant vétustes ou insalubres, sont nettement préférées aux établissements les plus modernes qui proposent pourtant des conditions d’hébergement à plusieurs égards bien supérieures. Ces derniers, caractérisés par une forte segmentation des espaces, génèrent en effet un puissant sentiment d’isolement et entravent les relations sociales. En cela, cette enquête témoigne de l’importance des dimensions humaines et relationnelles, qui sont souvent jugées plus importantes, pour l’équilibre psychique, que le seul et relatif confort matériel. »