« La tête haute », film d’Emmanuelle Bercot, vient d’être présenté en ouverture du Festival de Cannes. Il raconte le naufrage et la rédemption d’un enfant délinquant.
C’est à six ans que Malony (Rod Paradot) se trouve pour la première fois dans le bureau du juge pour enfants Florence Blaque (Catherine Deneuve). Sa mère Séverine (Sara Forestier), épuisée, dépassée, à bout de nerfs, l’abandonne là. Il sera placé dans des familles d’accueil.
Dix ans plus tard, c’est en jeune délinquant spécialiste du vol de voitures et de rodéo urbain que Malony comparait de nouveau devant la juge, la tête camouflée sous la capuche de son sweet-shirt, le visage buté, prêt à chaque instant à bondir, à rugir, à frapper et à griffer. Florence cherche à lui éviter à tout prix la prison. Elle le confie à un éducateur, Yann (Benoît Magimel). Yann et Florence sont amis, et partagent la même conviction : nul n’est intrinsèquement mauvais, le chemin vers la délinquance n’est pas à voie unique, la rédemption est possible.
Haine des autres, haine de soi
Mais l’écorché vif qu’est Malony ne leur rend pas la tâche facile. Lorsqu’il est contrarié, il « pète les plombs » et ses explosions de colère gâchent les opportunités. De centre éducatif ouvert à centre éducatif fermé et finalement à la prison, il va mieux quelques jours, quelques semaines, et puis rechute et s’enfonce de nouveau dans la haine des autres, et d’abord par la haine de soi-même. Pourra-t-il un jour marcher la tête haute ?
Dans sa disgrâce, Malony a pourtant la chance que d’autres croient en lui. Le film constitue un vibrant hommage aux éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, confrontés fréquemment à des situations limites, obligés d’intervenir pour apaiser des bagarres, subissant des agressions verbales ou physiques, sans cesse contraints de rappeler les règles mais s’obstinant à chercher en chaque jeune le désir et les ressources qui lui permettrons d’avancer.
Malony a la chance que la juge qui s’occupe de son cas soit à la fois stricte sur le respect de la loi (elle n’hésite pas à l’envoyer en prison lorsqu’elle pense que c’est la seule option possible) et profondément humaine. Il arrive à Malony de l’agonir d’injures, mais il sent bien que cette femme le respecte. Il lui fait parvenir un caillou ramassé en chemin, pour qu’elle pense à lui.
« Je t’aime »
Il a la chance d’être confié à Yann, dont on comprend qu’il a, lui aussi, un passé délinquant. Leur relation est tumultueuse. Mais un jour, Malony dit à Yann, accablé par la séparation d’avec sa femme : « je t’aime ». Quelque chose s’est fissurée dans l’armure de gros dur du petit gars fissuré.
Sa mère Séverine est instable, bipolaire, maladroite. Au parloir de la prison, elle dit à son fils qu’elle est contente que lui et son petit frère aient disparu de la circulation, car elle est en train de reconstruire sa vie avec un autre homme…Mais Séverine aime Malony d’un amour profond, et il doit bien reconnaître que sa mère lui manque.
Et puis il y a Tess (Diane Rouxel), la fille d’une éducatrice. Tess tombe amoureuse de Malony. Elle lui apprend les gestes de l’amour physique, à lui qui a grandi dans un milieu où le sexe n’est que rapport de force entre des mâles et des « putes ». Pour la retrouver, Malony vole une voiture, une de plus. À elle aussi, il saura dire « je t’aime », et il finira par accepter l’enfant qu’elle porte de lui.
« La tête haute » est un film exigeant, dur de la dureté de la vie des jeunes asociaux confrontés très tôt au système judiciaire. C’est aussi un film profondément optimiste sur la possibilité de la rédemption, dès lors que sur leur chemin ils rencontrent des êtres qui les aiment profondément et croient en eux, une amante, une mère, un juge ou un éducateur.
Le scénario est serré, le ton juste, les acteurs formidables. Un grand film.