La vraie vie des détenus

M6 a récemment diffusé « la vraie vie des détenus », un documentaire d’Aymone de Chantérac, dans le cadre du magazine Zone Interdite. D’une durée d’une heure et demie, ce film a été tourné pendant huit mois à la maison d’arrêt d’Agen et a centre de détention d’Eysses (Villeneuve sur Lot).

À la maison d’arrêt d’Agen, la surpopulation rend les conditions éprouvantes.« Bienvenue au zoo », crie-t-on des fenêtres à la cinéaste. Dans une cellule prévue pour six détenus, deux matelas ont été posés sur le sol. « Les animaux sont mieux traités que nous », dit un détenu.

 La violence est partout. « On ne voit pas tout », dit une gradée. Les surveillants ne pénètrent pas dans la cour de promenade. Certains détenus, en particulier ceux accusés de crimes sexuels, risquent d’y être rackettés ou proprement lynchés. Michel, 71 ans, condamné à 18 ans de prison pour meurtre, raconte comment il a du expliquer au caïd de la prison qu’il était un assassin et non un « pointeur » (délinquant sexuel), gagnant ainsi des galons de respectabilité.

En cellule, on se débrouille. Un détenu montre les haltères qu’il a confectionnées en attachant des bouteilles d’eau minérale. Un autre exhibe fièrement son téléphone portable de jour, caché dans le revers de son bonnet, et le smartphone qu’il utilise la nuit pour communiquer et surfer sur Internet.

 Un jeune homme, Kevin, est transféré de la maison d’arrêt d’Agen au centre pénitentiaire d’Eysses. Il emporte avec lui ses affaires personnelles rangées dans des sacs poubelle, un style d’emballage fréquent en détention. Le changement est radical : une cellule individuelle, des terrains clôturés mais vastes d’où l’on voit l’horizon, un émerveillement après des mois entre des murs gris.

 Le reportage a ensuite pour cadre le bâtiment D, consacré au « module respect ». En contrepartie d’engagements tels que se lever à heure fixe, participer à des activités, s’exprimer courtoisement, les détenus qui y sont enfermés disposent de plus de liberté de mouvement. Curieusement, un détenu a été placé là non en raison des efforts qu’il a fournis, mais parce qu’il est psychiquement fragile et qu’il ne supporte pas le régime ordinaire de détention.

Les profils des détenus rencontrés sont disparates. Gabriel, 21 ans, a été emprisonné une première fois à l’âge de 16 ans, et c’est sa troisième incarcération. Jonathan, cuisinier au mess du personnel, 33 ans, a passé le tiers de sa vie en prison et n’a pas vu grandir ses enfants. Éric, condamné à cinq ans de prison pour avoir tué accidentellement alors qu’il conduisait sous l’empire du cannabis, ne sait pas s’il parviendra un jour à se pardonner.

 Rachid a déjà passé 17 ans en prison et a été condamné à 7 ans pour trafic de stupéfiants. Affable, serviable, c’est une personnalité de la taule : il fait fièrement visiter « son étage » où il joue de rôle « d’auxi » chargé de la distribution des repas. Il prépare, avec une jeune conseillère d’insertion et de probation, une demande de liberté conditionnelle. Celle-ci est présentée en débat contradictoire au juge d’exécution des peines en présence du directeur d’établissement, du chef du Service d’insertion et de probation, de la procureure et de l’avocate du détenu. Sa demande sera acceptée par le juge, mais la procureure fera appel.

 Le reportage donne la parole a plusieurs membres du personnel pénitentiaire, qui expliquent le sens de leur travail. Il s’attarde sur la micro-entreprise dans laquelle des détenus produisent, à partir de déchets de papiers administratifs, du papier à lettre et des enveloppes de luxe.

 Le documentaire d’Aymone de Chanterac donne accès à l’intimité de la vie en prison, telle que l’expérimentent les détenus et les surveillants. On peut regretter qu’il n’ait pas donné la parole à d’autres intervenants : soignants, enseignants, visiteurs, animateurs d’atelier.

 Il se concluait par une interview du Garde des Sceaux Éric Dupont-Moretti dans une salle de classe de la prison de Villepinte à l’occasion de sa visite dans cet établissement le 5 mars 2021.

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