Arte TV a récemment diffusé « L’adversaire », un film de Nicole Garcia tiré du livre éponyme d’Emmanuel Carrère.
Le film s’inspire d’un fait divers effroyable survenu en 1993 : Jean-Claude Romand avait assassiné sa femme, ses deux enfants et ses parents avant de rater son suicide ; pendant quinze ans, il s’était fait passer pour un médecin travaillant pour l’Organisation Mondiale de la Santé, et tout le monde l’avait cru.
Pour un imposteur, il y a quelque chose de plus terrible que d’être démasqué : n’être pas démasqué, lit-on dans les premières séquences du film. Jean-Marc Faure (Daniel Auteuil) arrive au bout de son parcours. Pendant des années, il partait le matin au travail, mais passait des heures sur un parking au volant de sa voiture ; il emmenait sa valise pour un voyage d’affaire, mais restait dans un hôtel d’aéroport à étudier le plan des villes étrangères où il était supposé se rendre afin d’en ramener un récit crédible. Il n’y avait pas de travail, pas de voyage d’affaires, seulement le vide.
La bobine met des années à se dévider. Jean-Marc Faure emprunte de l’argent, pille les économies de ses parents, dilapide un héritage. Il s’assure que sa femme Christine (Géraldine Pailhas), sa petite fille et son petit garçon ne manquent de rien. Il invite sa maîtresse Marianne (Emmanuelle Devos) dans des palaces. Après une si longue tromperie, Christine commence pourtant à avoir des doutes. On lui assure que son mari est inconnu à l’OMS. Elle chavire quand elle découvre un tout petit mensonge : Jean-Marc lui assure que, comme elle, il a pris parti contre le licenciement d’une enseignante dans l’école privée où sont scolarisés leurs enfants, alors qu’il a voté pour. Un gouffre s’ouvre sous ses pieds : l’homme en qui elle a toute confiance est capable de mentir. Il ne répond pas à ses questions.
Le film de Nicole Garcia raconte l’histoire d’un homme qui, pour ne pas décevoir ceux qu’il aime, s’invente un personnage idéal. Lorsque la supercherie va être découverte, pour ne pas les décevoir, il les tue.
L’épouse de Jean-Marc Faure n’est pas seule à être restée aveugle à ce qui se passait. Luc (François Cluzet), l’ami de jeunesse de Jean-Marc, a gâché une occasion de lui permettre de vider son sac, et probablement d’éviter le drame qui mûrissait. Lorsqu’un soir de boisson Jean-Marc lui dit qu’il a un secret terrible à lui révéler, Luc croit qu’il s’agit de sa relation adultère avec Marianne. Il ne le laisse pas avouer ce qui vraiment lui pèse sur la conscience. Le défaut d’écoute s’avère mortifère.