Le cas d’un criminel récidiviste, Jon Venables, divise l’opinion publique britannique. Le cas n’est pas banal : le criminel en question avait 10 ans lorsqu’avec un complice de son âge il assassina un petit garçon après lui avoir fait subir des sévices.
Jon Venables vient d’être condamné à au moins 2 ans d’emprisonnement pour avoir recélé et diffusé du matériel pornographique enfantin. Il peut rester indéfiniment en prison si le juge d’application des peines en décide ainsi, une particularité du droit pénal britannique qui fait l’envie de la droite française.
En 1993, âgé de 10 ans, il avait un complice assassiné un petit garçon, James Bugler, après l’avoir torturé. Il avait été libéré en 2002. On lui avait donné une nouvelle identité. Il vient d’être condamné pour l’usage et la diffusion de pornographie enfantine.
Pour les « tabloïds » britanniques, la cause est entendue : Venables est un monstre (freak, monster), un dépravé, une bête. Aucun espoir de rédemption n’est possible dans son cas. Il est depuis son crime et pour toujours du côté de l’enfer. Le « politiquement correct » empêche les tabloïds de réclamer la peine de mort, mais la meute lâchée dans Facebook s’en charge.
Il y a là une question de société fondamentale : y a-t-il d’un côté les braves gens et de l’autre des voyous irrécupérables ? Ou bien faut-il reconnaître le versant sombre des gens biens et la capacité des délinquants à se repentir ?
Son avocat fit une déclaration dont voici des extraits. « (…) Jon Venables commença une vie indépendante en mars 2002, à l’âge de 19 ans, après avoir passé la moitié de sa vie en prison. La décision de le libérer était fondée sur la compréhension de ce qu’il avait fait, sur l’acceptation de sa responsabilité et de ce que cette responsabilité l’accompagnerait pour le reste de sa vie. Il avait dit que chaque jour qui s’était écoulé depuis 1993, il avait pensé à combien la vie aurait été différente pour tous ceux qui avaient été affectés, et il comprend qu’ils aient aussi leurs propres motifs de réflexion.
Sa libération impliquait un défi, un défi qui a pesé sur lui chaque jour depuis lors. Selon les mots des attendus de la sentence, il avait une « vie léguée » – un changement complet d’identité – il fut formé par la police à la contre-surveillance et il lui a fallu vivre en permanence dans le mensonge pour le reste de la vie. Il y avait peu de doute que si son identité était révélée, sa vie aurait été en danger. (…) L’une des majeures conséquences sur sa vie fut l’incapacité à partager un énorme secret… il craignait d’être toujours seul.
Il s’excuse auprès des amis qu’il s’est faits au cours de ces huit années, qui au mieux vont être perplexes et troublés, et plus probablement blessés et en colère en réalisant que leur ami n’était pas ce qu’il disait qu’il était.
(…) Ce n’est nullement une excuse, mais Jon Venables dit maintenant qu’à la réflexion, ne connaissant pas tout à fait à quoi ressemblait le monde dans lequel on le libérait et comment il fonctionnait, il n’a peut-être pas totalement compris à quel point le passage du temps en lui-même n’atténuerait pas par lui-même ses frustrations et son malheur. Il dit qu’il comprend qu’il n’y avait pas de modèle à sa disposition ou à celle de ceux qui le soutenaient – il se sentait comme un canari au fond d’une mine. Le retour en prison représenta une sorte de soulagement lorsqu’il se produisit. Il a l’intention d’apprendre des leçons qui l’aident à affronter ce défi de nouveau.
(…) Il est décidé, maintenant et une fois pour toutes, à devenir la personne qu’il désire être de manière qu’une fois sorti de prison il n’y revienne plus jamais. »
Illustration de The Guardian : couvertures de tabloïds sur l’affaire Venables.