L’année 2021 des prisons

Le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié récemment son rapport pour l’année 2021.

Il faut rappeler que le CGLPL est une instance indépendante qui a compétence sur tous les lieux où des personnes sont enfermées : locaux de garde à vue, hôpitaux psychiatriques, lieux de rétention administrative d’étrangers sans papiers, établissements pour mineurs. Il ne sera ici question que des prisons.

Pour une régulation carcérale

La Contrôleure, Dominique Simonnot, évoque les conséquences dramatiques de la surpopulation carcérale. « Qui sommes-nous devenus, collectivement, pour tolérer pareil déshonneur ? Quel genre de société en vient, finalement, à châtier ses prisonniers dans leur chair ? » (…)  « Quel retour à la vie « normale », peut-on attendre de personnes qui, en prison, ont été entassées à trois dans 4,40 m² d’espace vital, durant des mois, et souvent 22 heures sur 24, au milieu de rats, cafards et punaises de lit ? Assurément, elles ne reviendront pas meilleures, tant les conditions de détention influent forcément sur leur état à la sortie. Et, à 110 euros la journée de prison, c’est bien cher pour fabriquer de la récidive. »

Elle rappelle la demande formulée par le CGLPL depuis plusieurs années : que la loi instaure un mécanisme de régulation carcérale. « Un système simple qui voit l’entrée de l’un en cellule compensée par la sortie – sous contrôle – d’un autre le plus proche de sa fin de peine, dès que la prison frôle les 100 % d’occupation. »

Elle conclut ainsi son plaidoyer : « il me reste à souligner combien les constats du CGLPL montrent le cruel désintérêt de l’État et de la société pour les plus vulnérables. Du début à la fin de la vie, ceux qui sont incapables de s’exprimer ou dont la voix porte peu parce qu’ils sont enfermés – enfants, adolescents, prisonniers, malades mentaux, ou étrangers – oui, ceux-là sont nos concitoyens et en tant que tels méritent un sort enfin juste. C’est l’affaire de tous et il est plus que temps. »

Dominique Simonnot, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté au congrès de l’ANVP en mai 2022

Recours contre les conditions de détention indignes

Deux lois concernant les prisons ont été votées en 2021. La première, du 8 avril, vise à garantir le droit de la personne d’être détenue dans des conditions respectant sa dignité ». Elle lui octroie à cette fin deux possibilités de recours, selon qu’elle est prévenue ou condamnée, « afin qu’il soit mis fin à ses conditions de détention indignes ». Si le recours est accepté, la personne peut être transférée à un autre établissement, voir sa peine aménagée ou être mise en liberté. Le CGLPL considère que cette loi constitue une avancée, même si elle est en retrait par rapport à la jurisprudence européenne.

La seconde, du 22 décembre 2021 pour la confiance en l’institution judiciaire, comporte plusieurs mesures. Elle accorde aux bâtonniers le droit de visiter les établissements pénitentiaires de leur ressort dans les mêmes conditions que les parlementaires. Les avocats pourront ainsi se rendre compte directement des conditions de détention de leurs clients incarcérés.

La loi supprime les remises de peine « automatiques » (qui en réalité étaient fréquemment retirées) pour les remplacer par un régime, en apparence plus généreux, de remise de peine pour bonne conduite ou en considération d’efforts de réinsertion, les condamnés pour terrorisme étant exclus de ce dispositif. Le CGLP souligne que les efforts de réinsertion passent par l’accès au travail ou à la formation, qui sont des denrées rares en détention. J’ajoute une question : pourquoi postuler qu’une personne condamnée pour terrorisme ne fera jamais d’efforts de réinsertion justifiant une remise de peine ?

Un contrat d’emploi pénitentiaire

La loi définit un lien à l’emploi nouveau, concrétisé par un « contrat d’emploi pénitentiaire », qui remplacera l’actuel acte unilatéral d’engagement, sera conclu à durée déterminée ou indéterminée et obéira à des règles de durée du travail et à des minima salariaux prévus par décret. Elle prévoit en outre l’adoption par voie d’ordonnances de mesures tendant à ouvrir ou faciliter l’ouverture des droits sociaux aux personnes détenues afin de favoriser leur réinsertion ; à favoriser l’accès des femmes détenues aux activités en détention, en généralisant la mixité de ces activités ; à lutter contre les discriminations et le harcèlement au travail en milieu carcéral ; à favoriser l’accès à la formation professionnelle à la sortie de détention ; à organiser les fonctions de médecine de prévention et d’inspection du travail en détention. Ces ordonnances devront aussi faciliter la création de services d’aide par le travail en détention, et favoriser, au titre de la commande publique, les acteurs économiques employant des personnes sous le régime d’un contrat d’emploi pénitentiaire.

La loi du 22 décembre 2021 traite aussi de la détention provisoire. Elle prévoit qu’au-delà de huit mois, toute décision prolongeant la détention ou rejetant une demande de mise en liberté doit motiver en fait les raisons pour lesquelles des mesures d’assignation à résidence avec surveillance électronique seraient insuffisantes. Le CGLPL salue cette avancée, mais se demande pourquoi la motivation des décisions ne devrait pas intervenir dans tous les cas, dès le moment de l’incarcération.

La prison de Bordeaux Gradignan

Des avancées, mais pas à la hauteur des enjeux

La loi fait de la libération sous contrainte, instituée en 2019 pour les peines de moins de deux ans, une mesure de plein droit, à trois mois de la date de fin de peine.

Enfin, la loi autorise le Gouvernement à créer par voie d’ordonnance un code pénitentiaire. Celui-ci a été publié au Journal Officiel le 5 avril 2022. Il est salué par le CGLPL comme un effort pour donner de la visibilité à un droit pénitentiaire omniprésent en détention.

Plusieurs avancées législatives ont donc eu lieu en 2021. Il faut bien constater, cependant, qu’elles restent dramatiquement insuffisantes face à l’état indigne des prisons en France. C’est, comme en Allemagne ou aux Pays-Bas, une politique de réduction carcérale qu’il faudrait résolument engager : réduire l’investissement immobilier à la rénovation ou au remplacement du bâti existant ; investir massivement dans l’accompagnement « hors les murs » des personnes placées sous main de justice.

 

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