Dans « l’année du chat » (Seuil, 2014), Karine Miermont nous livre le récit des derniers mois de vie de sa chatte Niña, atteinte d’un cancer.
Niña a 14 ans quand le livre commence. Son nom est dû au fait qu’elle est née en Espagne. Elle vit à Paris, dans un immeuble où elle ne se gêne pas pour visiter les appartements voisins, adorée par Karine, son mari et leurs deux enfants adolescents. Lorsqu’une tumeur apparaît sur son dos, on diagnostique un cancer incurable. Des séances de radiothérapie sont néanmoins pratiquées de manière à freiner l’évolution du mal.
Karine Miermont a rédigé, jour après jour, la chronique de la maladie de Niña. Elle évoque les séances de radiothérapie : « l’assistante qui vient le plus souvent chercher les animaux pour leur séance dit « Bonjour ! » ou commence par dire le nom de famille, ou le nom du chien ou du chat, Cannelle, Sorbet, Angie. Plus, invariablement elle dit « C’est parti ! » avec un ton entraînant, presque joyeux, comme si elle les emmenait en promenade ou à la Foire du Trône. » Elle décrit le déclin du chat, sa glissade vers le néant : « Tous les petits renoncements du chat. Ne plus pouvoir sortir, ne plus pouvoir marcher, ne plus pouvoir guetter, ne plus pouvoir agir, ne plus pouvoir tout, ne plus pouvoir rien. »
« L’année du chat » est un hymne à la gente féline : « ce corps prodigieusement parfait, cette histoire engrammée à l’intérieur de la tête, cet attachement à nous, à moi, aux lieux, ce savoir très avancé des odeurs, des goûts, des sons, des sauts, des étirements, des amortis, des espaces, des surfaces, des appuis, toute cette histoire accumulée et concentrée dans ce petit animal que j’aime. »
Et encore, ce que les chats savent faire en verbes : « humer, sentir, regarder, scruter, marcher, trotter, courir, s’étirer, se coucher, s’allonger, se pâmer, toucher, attraper, tâter, tester, grimper, griffer, éviter, écouter, guetter, chasser, jouer, apprécier, aimer, s’attacher, se rattraper, se tordre, vriller, se contorsionner, dormir, rêver, se souvenir, respirer, sentir. »
La souffrance du chat, son désordre intérieur : « quand Niña a mal, (elle) reste couchée, ronronne et tremble à la fois, attend que ça passe, trouve du réconfort dans sa propre vibration (…) Y pense-t-elle ou ne fait-elle que constater : ça fait mal, je me rassure, je ronronne ? Ou tout cela se fait-il automatiquement, sans pensées, sans conscience, comme un présent perpétuel fait de réactions et de réflexes, d’instincts ? »
Le livre de Karine Miermont m’a touché. Ce qu’elle raconte des dernières semaines de Niña, paralysée des pattes arrières, correspond à ce que nous avons vécu il y a quatre ans avec notre chatte Séga. Et ce qu’elle dit du lien affectif très fort entre l’animal et ses humains s’applique aujourd’hui à notre chatte Letchi : « L’un des aspects qui me troublent le plus chez ce chat : sa présence et sa capacité à nous faire confiance, à ne pas être un chat apeuré et craintif, mû par ses seuls instincts de survie et de fuite. Sa capacité à être un chat réfléchi, si l’on peut dire, dosant sa vigilance avec subtilité et précision. »
Et puis les dernières minutes de Niña, sur la table du vétérinaire : « elle est inanimée mais respire, endormie mais les yeux ouverts. Elle est calme, lisse, on ne voit plus que ses pattes arrière sont malades ; tout son corps semble intact, juste endormi, tranquille, beau. « Le plus beau des chats », lui chuchote Matthieu qui se détourne et va vers la porte en pleurant. Je la caresse, laisse un peu ma main posée sur elle, je dis : « Mon chat, mon chat ». Nous la laissons là, posée sur la table, déposée dans son drap de Séez, magnifique, belle, majestueuse, comme intacte. »