France 4 Culturebox a récemment diffusé « Le ciel de Nantes », pièce de Christophe Honoré consacrée à la mémoire de sa famille.
« Bonsoir, dit l’acteur Youssouf Abi-Ayad en s’emparant d’un micro, je suis Christophe Honoré et, depuis des années, je travaille sur un film qui s’intitule Le Ciel de Nantes… C’est un film sur l’histoire de la famille de ma mère, ses parents, ses neuf frères et sœurs… »
Magie du théâtre : sur la scène, dont le décor évoque un cinéma des années 1960, sont réunies trois générations, vivants et morts. Il y a la grand-mère, qui a eu deux enfants d’un homme tué pendant la seconde guerre mondiale, et huit autres d’un bel hidalgo qui l’aimait autant qu’il la battait. Et sont présents plusieurs de ses enfants, dont Marie-Do, mère de Christophe Honoré, interprétée au théâtre par le frère de celui-ci, Julien.
Les personnages saisissent l’opportunité de cette impossible rencontre pour demander des explications. Pourquoi nous as-tu confiés à nos grands-parents paternels quand tu t’es mariée de nouveau après la mort de papa ? Tu m’as reproché d’avoir provoqué ton suicide pour une histoire de dette, c’est injuste ! Pourquoi n’as-tu été capable que de reproches lorsque ton fils sombrait dans la drogue ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas vu que j’étais atrocement seule et que vous n’ayez pas su empêcher mon suicide ?
Parfois, les personnages s saisissent d’un micro pour prendre les spectateurs à témoin de leur histoire. Un téléphone sonne à vide, et plusieurs micros sont déposés autour de lui, comme des fleurs sur un cercueil. L’humour n’est pas absent. Tante Claudie (Chiara Mastroianni) raconte en italien sa vie tragique, traduite approximativement par l’un de ses frères. Celui-ci interprète « piccolo » (petit) comme picoler…
Le titre « le ciel de Nantes » se réfère au grand ensemble où le cinéaste a grandi et à la chanson de Barbara : « le ciel de Nantes rend mon cœur chagrin ». « Chaque seconde est une poignée de terre, chaque minute est un sanglot », chante un comédien.
Les souvenirs de sa famille sont douloureux au point que Christophe Honoré n’a pas pu, ou voulu, en faire un film. Mais le cinéma est sans cesse présent sur la scène du théâtre de Bretagne, où la pièce a été donnée en 2022. C’est bouleversant.
