La traduction française de « Le dernier été en ville » (L’ultima estate in città), roman écrit par Giancarlo Calligarich en 1973 a été publiée cette année, quatre décennies plus tard.
L’antihéros du livre, Leo Gazzarra, fête ses trente ans, mais il oublie son anniversaire car il ne signifie rien pour lui. Il flotte sur le courant de la vie, de préférence de la vie nocturne. Il se laisse porter, de petit boulot journalistique alimentaire en petit boulot, d’hôtels minables en appartement prêté par des amis, de bar en trattoria.
Milanais d’origine, il est romain d’adoption. Il aime Rome, sa faune intellectuelle, ses fontaines où il fait bon se rafraîchir lorsqu’il fait « une chaleur de Saint-Office », ses boutiques où les achats montent à des « chiffres de Saint-Office ». Il se déplace sans cesse et « hisse les voiles » pour se rendre où le porteront son humeur ou ses rencontres du moment. De passage à Milan, il se rend compte de l’incompatibilité de son existence avec celle de ses sœurs, qui le jugent avec mépris du haut du « petit tas de respectabilité qu’elles ont monté et derrière lequel elles ont fait leur nid ».
Leo a un ami de cœur, Graziano Castelvecchio. Né dans la pauvreté, il a épousé une Américaine immensément riche et immensément ennuyeuse. Graziano s’abîme dans l’alcool. Ce qui le maintient en vie, c’est le scénario de film qu’il écrit avec Léo, mais il y croit à peine. Son suicide a pour Leo valeur de signe avant-coureur.
Leo rencontre une belle femme aux grands yeux, Arianna. Elle est aussi peu enracinée que lui, ne cesse d’entrer et de sortir de sa vie. L’aime-t-il ? L’aime-t-elle ? Ils ne savent pas et dans l’incertitude, ils s’éloignent inexorablement bien qu’à Rome, dit l’auteur, il peut se passer des choses tristes mais jamais irréparables.
Leo Gazzarra est passionné de la mer. Dans une crique magnifique, il pénètre dans l’eau, les bras liés à deux valises portant les livres qu’il aime. L’ombre de Virginia Woolf, pénétrant dans l’eau froide d’une rivière les poches pleines de cailloux, flotte sur cette ultime scène magnifique. Il hisse les voiles une dernière fois.
« Le dernier été en ville » est un livre empreint de nostalgie et de poésie. Il est aussi plein de drôlerie. Une scène montre Leo chez Monsieur Sandro, un spécialiste des cocktails. « Au moment de l’élévation » survient Arianna, avec son ombrelle rouge. Elle commande un cocktail « Vierge perverse » avec un bambou. « Une combinaison très suggestive », dit Arianna.