Arte TV a récemment diffusé « le jour se lève », film de Marcel Carné (1939) avec, dans le rôle principal, Jean Gabin.
On est heureusement surpris par la qualité de la copie. Le film a été entièrement restauré et numérisé, et le son comme l’image répondent aux standards d’aujourd’hui. S’agissant de films anciens, les voix nasillardes et les plans flous sont parfois rédhibitoires. C’est confortablement qu’on regarde « le jour se lève ». Certes, le spectateur ressent le décalage de trois quarts de siècle : les acteurs ne joueraient plus de la même manière, les décors sentiraient moins le carton-plâtre, l’esthétique serait différente. Mais ce qu’il éprouve d’abord, c’est la sensation d’entrer dans le monde créé par Marcel Carné et son dialoguiste, Jacques Prévert, tendre, étouffant et poétique.
François (Jean Gabin) vit seul dans une chambre au dernier étage d’un étrange immeuble qui se dresse, aussi élevé qu’étroit, dans un quartier de banlieue. Il se rend chaque matin à bicyclette à l’usine où il exerce le métier de soudeur. Lorsqu’il rencontre Françoise (Jacqueline Laurent, à cette époque l’amante de Jacques Prévert dans la vraie vie), enfant comme lui de l’Assistance Publique, il en tombe passionnément amoureux.
Françoise est fleuriste, et c’est une relation délicate et douce qui se noue avec François, un homme fin et sensible malgré la rudesse de ses journées d’ouvrier. Mais François découvre qu’elle aime un autre homme, Valentin (Jules Berry), dresseur de chiens qui se produit dans un cabaret. La maîtresse en titre de Valentin et sa partenaire dans son numéro de dressage, Clara (Arletty), vient de rompre avec lui. Le gentil célibataire se trouve pris entre deux femmes, Françoise qu’il aime et Clara qui se livre à lui entre deux amants.
Valentin, blessé dans sa dignité d’homme de spectacle, perd d’un coup deux femmes aux mains d’un simple ouvrier. Il entend faire cesser cette absurdité en semant entre François, Clara et Françoise le mensonge et la discorde. Il se rend finalement dans la chambre de François dans le but de l’assassiner, mais c’est lui qui reçoit un coup de pistolet et s’effondre dans l’escalier.
Tout le quartier est en émoi et se masse sous les fenêtres de l’immeuble pour assister au spectacle. On appelle la police, puis les gendarmes. On tente de donner l’assaut. La nuit passe, pendant laquelle François repasse dans sa tête l’enchaînement d’événements qui ont inexorablement conduit à cette impasse. Le jour se lève. François harangue la foule massée sous sa fenêtre, puis se suicide.
Je ne sais si beaucoup de titres de film ont laissé leur nom à une rue. C’est le cas de « Le Jour se lève » à Boulogne Billancourt, la ville où se situaient les studios de tournage. C’est justice : c’est un très grand film, un chef d’œuvre.