« Le liseur », roman de Benrhard Schlink (« Der Vorleser, 1995), évoque le destin d’une femme complice de la barbarie nazie sur son chemin de rédemption.
Le roman se déroule en trois époques. Vers 1958, dans une ville allemande, un lycéen nommé Michaël Berg, 15 ans, vit une relation charnelle et passionnée avec Hanna Schmitz, de 21 ans son aînée. Un rituel s’installe : il lui fait la lecture d’une œuvre littéraire, il se douche et ils font l’amour.
Sept ans plus tard, Michaël est étudiant en droit. Il suit le procès d’assises de gardiennes d’un camp de concentration, accusées d’avoir laissé périr dans l’incendie de l’église où on les avait recluses des femmes déportées, après l’évacuation du camp. Hanna se défend mal. Elle n’a pas lu les pièces du dossier, elle refuse une expertise graphologique qui aurait minimisé sa responsabilité. Michaël découvre son terrible secret : elle est analphabète et en a honte.
Dix-huit ans plus tard, vers 1983, Hanna obtient sa grâce et va être libérée. Pendant ses années de détention, Michaël lui a envoyé des centaines de cassettes de lecture qu’il avait enregistrées. En comparant ces textes avec ceux écrits dans les livres, Hanna a appris à lire et à écrire. Elle a dévoré des livres sur la période nazie et la shoah.
Hanna se pend dans sa cellule la nuit précédant sa libération, à l’âge de 61 ans. Son geste est susceptible de deux interprétations. En se donnant la mort, elle se rend définitivement libre d’un passé écrasant et elle célèbre sa victoire sur l’illettrisme. Mais aussi, elle ne peut supporter la honte de vivre libre chargée du poids des crimes qu’elle a commis et dont ses lectures signifient l’horreur.
« Le liseur » est un livre magnifique, dans lequel le poids de la culpabilité est écrasant : celle d’Hanna pour les actes atroces qu’elle a commis ; celle aussi de Michaël, qui se reproche de n’avoir pas assez aimé Hanna, de ne l’avoir as assez aidée.
« Non, écrit Schlink, Hanna pendant le procès n’avait pas mis en balance la honte d’être analphabète et la honte d’être une criminelle. Elle ignorait le calcul et la tactique. Elle acceptait qu’on lui demandât des comptes, seulement elle ne voulait pas en plus avoir honte. Elle ne poursuivait pas son intérêt, elle se battait pour sa vérité, sa justice. Celle-ci, parce qu’elle avait toujours dû dissimuler un peu, qu’elle n’avait jamais pu être tout à fait franche, tout à fait elle-même ; était une vérité et une justice pitoyables, mais c’étaient les siennes, et son combat pour elles était son combat (…) Elle combattait depuis toujours, non pour montrer ce dont elle était capable, mais pour dissimuler ce dont elle était incapable. C’était une vie dont les élans consistaient à battre vigoureusement en retraite et les victoires à encaisser de secrètes défaites. »