Le personnel des lieux de privation de liberté

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté a publié en juin 2017 un rapport sur « le personnel des lieux de privation de liberté », édité par Dalloz.

Les prisons ne sont pas les seuls lieux de la compétence du Contrôleur. Ils incluent aussi les établissements de santé mentale, les lieux de rétention administrative et les zones d’attente, les centres éducatifs fermés et les locaux de garde à vue. Lorsqu’il traite du personnel des lieux de privation de liberté, il inclut donc le personnel pénitentiaire, les forces de police et de gendarmerie et les personnes de santé psychiatrique. Toutefois, nous nous limiterons, dans cette note de lecture, aux passages relatifs aux établissements pénitentiaires.

Le cœur de la mission du Contrôleur est le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté : le droit à la vie, à l’intégrité psychique et physique, le droit à ne pas être soumis à un traitement inhumain ou dégradant. C’est par ricochet qu’il s’intéresse au personnel. Si les effectifs sont insuffisants, si les conditions de travail sont exténuantes, si les agents sont peu ou mal formés et encadrés, s’ils ne bénéficient pas d’une supervision ni d’instruments de dialogue sur leurs pratiques professionnelles, il est fatal que les personnes dont ils ont la charge en souffrent.

Un sous-effectif chronique

Or, la situation est préoccupante. Le Contrôleur remarque que le premier poste d’affectation des surveillants sortis de l’école est fréquemment situé en région parisienne. Ils subissent eux-mêmes un véritable « choc carcéral ». Souvent venus de la province ou de l’outre-mer, ils arrivent dans les établissements où sévit le plus fort taux de suroccupation ; ils sont séparés de leurs familles ; ils connaissent des conditions de logement très difficiles. Ils ne rêvent que d’obtenir une mutation, ce qui prive ces établissements d’un effectif stable et expérimenté.

Le Contrôleur souligne le problème chronique du sous-effectif. Les organigrammes de référence minimisent les besoins en postes, parce qu’ils ne prennent pas en compte le caractère récurrent de la suroccupation ou parce que, dans les établissements nouveaux, ils surestiment l’allègement de la charge de travail attribué aux systèmes de surveillance électronique.

Il arrive que l’Administration pénitentiaire diligente un audit sur l’organigramme de référence. Lorsque, comme à la maison d’arrêt de Grasse en 2012, les conclusions ne sont pas communiquées aux personnes qui ont fourni l’information aux auditeurs, la frustration est grande.

La spirale conditions de travail / absentéisme

Certains établissements ont sédimenté le sous-effectif dans leur organisation, en prévoyant des procédures de fonctionnement en mode dégradé. Ces procédures décrivent les postes de travail qui doivent être sacrifiés en priorité en cas de carence de l’effectif prévu.

Le sous-effectif impose aux agents une charge de travail plus lourde, de nombreuses heures supplémentaires ce qui, au final, se traduit par des congés maladie et des démissions qui aggravent le sous-effectif. Une spirale négative se met en place : de mauvaises conditions de travail génèrent de l’absentéisme, qui lui-même dégrade les conditions de travail.

Prévenir et gérer la violence

Le Contrôleur évoque à plusieurs reprises la question de la violence. Celle-ci est inhérente aux lieux de privation de liberté. Ce sont parfois des actes violents qui ont conduit les personnes à la prison ; leur arrestation a parfois été violente ; la privation de liberté elle-même peut susciter une réaction violente. C’est particulièrement vrai des mineurs incarcérés, dont beaucoup ont subi des violences physiques, sexuelles ou psychologiques. Le Contrôleur insiste sur la nécessité d’une formation adaptée des agents à la prévention et à la gestion de situations de crise, sur le plan physique et psychologique.

Le Contrôleur observe que la violence est parfois utilisée par le personnel de manière préventive (par exemple le menottage systématique). Il fait état de réactions immédiates en situation de crise, au lieu de précéder l’action brutale d’échanges verbaux destinés à faire baisser la tension. Il en appelle au recours à la médiation plutôt qu’à l’affrontement immédiat.

Nécessité et proportionnalité de la contrainte

Les mesures de contrainte, comme le menottage ou la fouille à nu, sont souvent vécues par le personnel comme « le moyen de conduire la personne détenue à un amendement moral par l’humiliation (…) Il faut que le détenu se rende compte de ce qu’il a fait. Les menottes lui donnent honte. » Et encore : « ordonner une fouille, c’est rappeler cette faculté, par conséquent ce pouvoir exorbitant de celui qui l’ordonne. C’est montrer de quel côté se trouve l’autorité, autorité d’autant plus grande que la consigne consiste justement à « désarmer » l’autre en le rendant vulnérable. »

La limitation du recours la fouille par la loi pénitentiaire de 2009 et la circulaire d’application de 2011 ont été mal vécues par une partie des surveillants, qui se sont trouvés « désarmés ». Ils ont au contraire bien accueilli une disposition législative de 2016 qui, sous couvert de lutte contre le terrorisme, a étendu le régime des fouilles. Le Contrôleur rappelle que l’utilisation de mesures de contrainte doit répondre à deux principes : nécessité et proportionnalité.

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