Le Président

Arte TV a récemment diffusé « Le président », film d’Henri Verneuil (1961) avec Jean Gabin et Bernard Blier dans les rôles principaux, d’après un livre de Georges Simenon, avec des dialogues d’Henri Verneuil et Michel Audouard.

Émile Beaufort (Jean Gabin), ancien président du Conseil retiré dans son manoir de Normandie, dicte ses mémoires à sa secrétaire, Mademoiselle Millerand (Renée Faure). Il est brièvement dérangé par la visite en grande pompe du Premier Ministre britannique, son adversaire pendant des années. Les journalistes massés à la grille du manoir s’imaginent les deux hommes parlant de géopolitique et de missiles. Ils échangent des recettes d’écrevisse.

Le ton est donné. Beaufort est un géant qui n’a plus rien à prouver ; un homme d’État à la manière de Clemenceau dont le portrait trône dans son bureau. « Je suis un mélange de conservateur et d’anarchiste, dans des proportions qui restent à déterminer », dit-il. Et défiant les députés qui le mettront en minorité : « La Politique, messieurs, devrait être une vocation. Je suis sûr qu’elle l’est pour certains d’entre vous. Mais pour le plus grand nombre, elle est un métier. »

Européen convaincu, mais passionné par l’Europe du travail contre celle de la fortune, il s’oppose point à point à Philippe Chalamont (Bernard Blier), son ex directeur de cabinet auteur, quinze ans plus tôt, d’une fuite qui a permis à sa belle-famille, des banquiers, de spéculer massivement. Il l’a alors obligé à rédiger une confession, qu’il conserve comme une arme de dissuasion.

Chalamont est pressenti pour former le gouvernement. Il rend visite de nuit à son ancien mentor. Le face à face est glaçant, malgré le feu qui crépite dans la cheminée : « Vous savez, dit Beaufort, qu’il y a des gens que l’on peut acheter avec des billets ou des enveloppes. Moi, vous avez essayé de m’avoir par la vanité. Ce que vous venez de faire est ignoble. Vous venez d’être de la plus grande lâcheté, celle de l’esprit. Et c’est pour ça, Chalamont, que je ne vous laisserai jamais prendre le pouvoir. Parce que c’est une saloperie de venir au pouvoir sans avoir une conviction à y appliquer. »

« Le président » est un film politique formidable, porté par un Jean Gabin au sommet de son art et une mise en scène millimétrée. La scène dans laquelle le Président fait face aux députés, non à la tribune mais au parterre comme un gladiateur dans l’arène, est un grand moment de cinéma.

Encore quelques répliques restées fameuses, pour la route. « Dites-vous bien que lorsqu’un mauvais coup se mijote, il y a toujours une république à sauver. Et dans chaque cambrioleur, il y a souvent un préfet de police qui sommeille. » Et encore : « pour des raisons particulières, je vous ai longtemps pris pour un salaud et je constate avec plaisir que là aussi j’avais quinze ans d’avance. » Et pour finir : « Il faudra en prendre votre parti, je mourrai avec insolence, et sans vous prévenir. »

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