Arte TV a récemment diffusé « le tragique destin des Romanov », documentaire de Patrick Cabouat réalisé d’après le livre publié par Pierre Gilliard en 1921, « treize années à la Cour de Russie ».
En 1904, le Suisse Pierre Gilliard, vingt-cinq ans, est recruté par la famille impériale de Russie comme précepteur des cinq enfants, quatre filles et un garçon, du Tsar Nicolas II et de l’impératrice Alexandra. Il restera à leur service pendant treize ans, y compris après la révolution bolchevique d’octobre 1917. Il ne devra la vie sauve qu’à sa citoyenneté suisse : il parviendra à rejoindre son pays d’origine via Vladivostok, San Francisco et Trieste.
Le film de Patrick Cabouat est un « docufiction », qui associe images d’archives, témoignages d’historiens et scènes jouées par un comédien dans le rôle du précepteur. Les images d’archive elles-mêmes incluent les nombreuses photographies de la famille impériale prises par Gilliard.
Nicolas II est présenté comme un homme médiocre, imbu de son statut de représentant de Dieu sur la terre et incapable de comprendre que la révolution industrielle était en train de transformer de manière brutale et irréversible le pays qu’il dirigeait. Il en résulte une séquence incroyable de « si ». Si l’empereur avait un eu le charisme d’un dirigeant, les événements se seraient enchaînés de manière différente, et la révolution bolchevique n’aurait pas pu se produire. Si le fils héritier Alexis n’avait pas été hémophile, sa mère Alexandra ne serait pas tombée sous l’emprise du faux moine Raspoutine.
Si Nicolas avait accepté la nécessité inéluctable de devenir souverain constitutionnel, il n’aurait pas dissous à plusieurs reprises la Douma, le Parlement, s’attirant ainsi l’hostilité de la bourgeoisie montante. Si Nicolas n’avait pas mobilisé ses troupes, sabotant ainsi les tractations diplomatiques pour éviter la guerre, celle-ci n’aurait peut-être pas éclaté. S’il avait attaqué l’Autriche-Hongrie plutôt que l’Allemagne, les chances de son armée aurait été meilleures.
Si, une fois déchu, il avait accepté d’émigrer à l’étranger, sa famille et lui auraient échappé à leur exécution collective, à Iekaterinbourg le 17 juillet 1918.Le problème avec l’histoire, c’est qu’elle ne s’accommode pas des « si ». Le destin des Romanov, intimement lié à celui de leur pays, fut tragique. Il n’est plus possible à Nicolas II de réparer sa funeste succession d’erreurs. Aucun retour en arrière n’est possible.