L’élégance du hérisson

France 2 a diffusé au début janvier le beau film de Mona Anache, « le Hérisson » (2009) qui mettait à l’écran « l’élégance du hérisson », roman publié trois ans plus tôt par Muriel Barbery dont voici une notre de lecture.

 Paloma Josse est une gamine parisienne surdouée qui vit sa vie de famille comme un enfer. Son père, député de gauche caviar, lui apparait comme un être insignifiant et lâche. Sa mère arbore comme un triomphe ses dix ans de psychanalyse. Et surtout, sa grande sœur Colombe, par sa superficialité et sa conformité aux préjugés de son monde, représente tout ce qu’elle abhorre : « chaque jour je me dis que ma sœur ne peut pas s’enfoncer plus profondément dans la mare de l’ignominie et, chaque jour, je suis surprise de voir qu’elle le fait. » Paloma a planifié son suicide, le jour de son prochain anniversaire, seul moyen selon elle d’échapper au « bocal à poissons » qu’est le destin où elle est enfermée. En attendant, elle écrit ses pensées profondes qu’elle introduit par des poèmes à la japonaise et un insolite « journal du mouvement du monde » consacré au « mouvement des gens, des corps, voire, s’il n’y a vraiment rien à dire, des choses, et à y trouver quelque chose qui soit suffisamment esthétique pour donner un prix à la vie. De la grâce, de la beauté, de l’harmonie, de l’intensité. »

 

Josiane Balasko et Garance le Guillermic dans "Le Hérisson"
Josiane Balasko et Garance le Guillermic dans « Le Hérisson »

Renée Michel, cinquante-quatre ans, est la concierge de l’immeuble cossu où habitent les Josse. Elle a tout de l’archétype : moche, revêche, hagarde. En réalité, elle s’est organisée pour être invisible et mener sa vraie vie à l’abri des regards et des questions. Sa vie, ce sont les livres, surtout la philosophie et les romans russes, la peinture, surtout les maîtres flamands et les films, surtout les films japonais. Son destin a été scellé par sa naissance dans une famille misérable à la campagne et la mort en couches de sa sœur violée : elle ne s’autorise pas être elle-même sous le regard des autres. Renée évoque un film d’Ozu, Les Sœurs Munakata : « le camélia sur la mousse du temple, le violet sur les monts de Kyoto, une tasse de porcelaine bleue, cette éclosion de la beauté au cœur des passions éphémères, n’est-ce pas ce à quoi nous aspirons tous ? »

 Paloma a flairé que Renée n’est pas une concierge comme les autres : « Mme Michel, elle a l’élégance du hérisson : à l’extérieur, elle est bardé de piquants, une vraie forteresse, mais j’ai l’intuition qu’à l’intérieur, elle est aussi simplement raffinée que les hérissons, qui sont des petites bêtes faussement indolentes, farouchement solitaires et terriblement élégantes. » L’arrivée dans l’immeuble d’un nouveau propriétaire, Kakuro Ozu, va bouleverser la vie de Paloma et Renée. Kakuro voit Renée comme une princesse clandestine et érudite et partage cette opinion avec Paloma. « C’est la première fois que je rencontre quelqu’un qui cherche les gens et qui voit au-delà » des apparences, dit celle-ci.

 Kakuro, Renée et Paloma se reconnaissent comme des âmes sœurs, malgré leurs différences d’âge, de condition sociale et de nationalité. Pour Paloma et Renée, écrasées par un destin inexorable, cette rencontre est une libération.

 Le film de Mona Anache est fidèle au roman. Il adopte le point de vue de Paloma, qui utilise la vieille caméra vidéo que lui a cédée son père pour filmer sa famille : l’enregistrement sera le message laissé pour expliquer son suicide. Une autre bonne idée du film est d’utiliser des dessins au feutre représentant la concierge et le propriétaire japonais ; ces dessins s’animent, créant un univers onirique au sein de l’immeuble bourgeois dont Mme Michel est la concierge. L’interprétation de la jeune Garance Le Guillermic (Paloma), Josiane Balasko (la concierge, Renée Michel) et Togo Igawa (Kakuro Ozu) est remarquable.

Josiane Balasko et Togo Igawa dans "Le Hérisson"
Josiane Balasko et Togo Igawa dans « Le Hérisson »

2 réflexions sur « L’élégance du hérisson »

  1. Un livre merveilleux dont la lecture peut nous inciter à regarder un prochain rébarbatif avec des yeux d’explorateur?

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