Rembob’ina, émission de La Chaîne Parlementaire présentée par Patrick Cohen, a récemment consacré un numéro passionnant à la couverture télévisuelle de la guerre d’Algérie.
Rembob’ina est réalisé en collaboration avec l’Institut National de l’Audiovisuel, qui met à disposition les archives d’émissions diffusées depuis que la télévision existe en France. L’historien Benjamin Stora, historien spécialiste de l’Algérie, était l’invité de Patrick Cohen le 21 février dernier.
« Les années algériennes » est un documentaire écrit par Benjamin Stora en 1991. Dans l’une des premières séquences, on voit sa mère arpenter les rues de Constantine à la recherche de ce qui fut son appartement, parler aux passants étonnés de voir cette « roumie » s’adresser à eux en arabe, être finalement reçue chaleureusement à partager le thé par les occupants actuels.
Benjamin Stora donnait la parole à l’ancien maire d’El Affroun, propriétaire d’un domaine dans la Mitidja. Vivant maintenant en Provence, il continue à considérer les Arabes comme des enfants que l’on aime et que l’on châtie en raison de cet amour. Il interroge d’anciens appelés du contingent, à qui on enseignait que la Méditerranée traverse la France comme la Seine traverse Paris, et qui découvraient sur place une autre réalité.
Rembob’ina a aussi diffusé le premier reportage que « Cinq Colonnes à la Une » consacra aux « événements » d’Algérie le 9 janvier 1959. L’information télévisuelle était alors contrôlée par le gouvernement. Le reportage est consacré à un sous-officier, Charlie Robert, en poste dans le Djebel. Il comporte deux volets. Le premier nous fait découvrir une journée de Charlie : le matin instituteur à l’école dans le cadre de la Pacification, l’après-midi, appuyé par l’aviation, à la poursuite d’un groupe de fellaghas. Le second volet se déroule auprès des parents et d’une sœur de Charlie dans un village de Provence : ils regardent émus le reportage tourné en Algérie seulement quatre jours auparavant.
Un autre reportage, daté d’octobre 1962, est consacré aux Pieds-noirs qui ont choisi de rester en Algérie ou d’y revenir. L’impression qui s’en dégage est celle d’un sauve-qui peut. Sur le ferry qui ramène en Algérie des Français qui ont fui le pays quelques mois auparavant, rares sont ceux qui désirent y vivre définitivement : la plupart cherchent à vendre leurs possessions et à repartir. Un jeune médecin explique pourquoi, dans le climat d’insécurité où est plongé le pays, il a décidé de le quitter dès le lendemain. Il regrette que les accords d’Évian, qui garantissaient la sécurité et la libre circulation des personnes et des biens n’aient pas été respectés. Une agricultrice de la Mitidja constate que tous ses voisins sont partis pour la métropole, et que des services essentiels, comme la présence d’un médecin, ne sont plus assurés.
Benjamin Stora a remis récemment au Président de la République un rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». L’émission de Rembob’ina fait toucher du doigt combien les plaies restent à vif, près de soixante ans après l’indépendance du pays.