CinémaMonde Arabe21 octobre 20240Les barbares

Dans »les Barbares », Julie Delpy met en scène, sur le registre de la comédie, l’inquiétude d’une communauté villageoise lorsque survient l’étranger, le « barbare ».

Le maire de Paimpont, village breton, Sébastien Lejeune (Jean-Charles Clichet) parle parfaitement « le Macron ». Lorsqu’il se prépare à accueillir des réfugiés ukrainiens, c’est sous l’œil des caméras de FR3 et avec des mots choisis.

Mais voici qu’il y a une pénurie d’Ukrainiens. L’institutrice du village, Joëlle (Julie Delpy) a pris l’initiative d’inviter, à leur place, puisque tout est prêt pour leur accueil, des réfugiés syriens. Mais dans l’imaginaire collectif, ce n’est pas la même chose. On s’attend à des femmes voilées, des terroristes, bref, des barbares.

C’est une famille qui arrive à Paimpont : Marwan (Ziad Bakri), son épouse Louna (Dalia Naous), leurs deux enfants, une tante, un grand-père. Ils ont passé du temps dans des camps, en particulier le gigantesque camp de Zaatari en Jordanie. Ils souffrent de leur statut d’invités, aimeraient vivre chez soi et d’exercer leur métier d’architecte ou de médecin.

Au village, la résistance contre l’occupant est menée par le plombier. Il s’appelle Hervé Riou (Laurent Lafitte). Il multiplie provocations et pétitions pour obtenir le départ des intrus, sur le thème « on est chez nous ! ». Même Anne (Sandrine Kiberlein), l’amie de toujours de Joëlle, se joint au mouvement.

Pourtant, insensiblement, des racines  poussent. La tante se fait embaucher comme agricultrice par un papy (joué par Albert Delpy, le père de Julie), que la morgue de Riou insupporte. Le père de Marwan trouve une nouvelle jeunesse comme cuisinier d’une crêperie en décrépitude. Marwan construit une maison.

Et surtout, un garçon du village s’éprend de la jolie jeune fille syrienne. Pour la séduire, sur les conseils du grand-père de celle-ci, il lui dit un poème en arabe. J’ai trouvé cette scène émouvante.

Le film de Julie Delpy fait écho à un article de Véronique Nahoum-Grappe publié dans la revue Esprit en septembre 2024 et intitulé : « Le village de l’enfance, nostalgie d’époque et vote Rassemblement national ». Une dame âgée, interrogée par la télévision entre les deux tours de l’élection législative de juin 2024 : « je vote Rassemblement national parce que je veux retrouver le village de mon enfance… » L’autrice de l’article note que « à cette nostalgie du « village d’enfance », l’extrême droite ajoute un sous-texte implicite : dans ce village, on était « chez nous », entre personnes plus ou moins nées et décédées au village, dont le joli cimetière est visité, fleuri, habité. »

Julie Delpy, comme réalisatrice et dans le rôle de Joëlle, institutrice et irréductible idéaliste, est convaincue qu’une intégration réussie, même dans une communauté aussi close que Paimpont, est possible si chacun renonce à ses préjugés. Le film suggère aussi qu’un coup de pouce du destin – dans ce cas un accouchement prématuré – n’est parfois pas inutile.

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