France 2 a récemment diffusé « Les chatouilles », film d’Andréa Bescond et Éric Métayer (2018) sur la reconstruction d’une femme violée alors qu’elle avait 8 ans.
Ce film, qui fait suite à une pièce de théâtre intitulée « les chatouilles ou les danses de la colère » est autobiographique. Andréa Bescond a été violée enfant par un ami de la famille. Elle a déposé plainte à l’âge de 22 ans. Son agresseur a été condamné à dix ans de prison.
La dernière scène fait dialoguer Odette, 10 ans (Cyrille Mairesse), et Odette, 40 ans (Andréa Bescond elle-même). La seconde s’excuse auprès de la première de l’avoir reléguée dans l’oubli pendant de nombreuses années. Elle lui fait à la promesse qu’elle sera une personne bien.
Tout le film est construit sur la continuité entre ce qui se passe maintenant et ce qui s’est passé autrefois. Odette adulte passe une porte, et c’est Odette petite fille qui apparaît. Odette sort du tribunal, et le portail est remplacé par la porte du cabinet de toilette où s’opéraient les « chatouilles ».
« Les chatouilles » ne montre pas les horreurs subies par la petite Odette. La petite fille rêvait devenir danseuse. La femme qu’elle est devenue exprime sa souffrance par une danse-transe bouleversante. Le traumatisme est sous-jacent à son histoire d’amour avec Lény (Grégory Montel), qui se découvre incapable de porter un tel poids et rompt.
Odette enfant est sous l’emprise de Gilbert Migué (Pierre Deladonchamps), un ami de la famille. Son père (Clovis Cornillac) ne voit rien. Sa mère (Karin Viard) est dans le déni. Elle voit sa petite fille laver sa culotte maculée de sang. Pour elle, ce ne peut être que l’arrivée précoce de ses règles. Elle n’insiste même pas pour qu’elle consulte un gynécologue.
Odette adulte consulte une psychologue (Carole Frank), qui se déclare d’abord incapable de suivre un cas aussi lourd, mais finit par accompagner Odette dans la reconnaissance de ce qu’elle a subi et la reconquête de l’estime de soi. « On avance », répète-t-elle souvent.
Tous les interprètes de ce beau film sont remarquables. Je retiens en particulier ceux qui ont accepté de jouer des rôles de salauds. Pierre Deladonchamps est convainquant dans le rôle du pervers pédophile, capable de présenter les « chatouilles » comme des jeux innocents, un secret entre nous, un passage normal et obligé sous peine de décevoir.
Karin Viard en arrive presque à être émouvante dans son rôle de mère abjecte. Non seulement elle ne veut pas voir ce qui arrive à sa petite fille, mais lorsque le scandale éclate, elle fait tout pour le minimiser, l’occulter, le reléguer dans le passé. Elle a toujours voulu lui imposer ses rêves, avoir une fille danseuse-étoile, et sa fille ne cesse de la décevoir. Et si c’était elle finalement, qui aurait excité Gilbert ? Accepter la réalité des faits, lâcher prise, ferait s’écrouler son être au monde. On sent la terreur au fond de son regard.